Brando dans un trou noir

L'Homme de la Sierra

Dans la seconde moitié des années 60, alors que sa carrière tanguait dangereusement, la star américaine s’illustrait dans trois genres différents.

1. L’Homme de la Sierra (The Appaloosa) – 2. La Comtesse de Hong Kong – 3. La Nuit du lendemain

1. De Sidney J. Furie. Avec Marlon Brando, John Saxon, Anjanette Comer. 1966. 1 h 38. Dist: Elephant Films. – 2. De Charles Chaplin. Avec Marlon Brando, Sophia Loren, Sydney Chaplin. 1967. 1 h 50. Dist: Elephant Films. – 3. De Hubert Cornfield. Avec Marlon Brando, Richard Boone, Rita Moreno. 1969. 1 h 33. Dist: Elephant Films.

1. 7 – 2. 7 – 3. 6

« Brando dans le creux de la vague, nous sommes déjà dans un tsunami au-dessus de tout le monde« , observe Jean-Pierre Dionnet dans son style inimitable, en introduction aux trois titres piochés par Elephant Films dans l’imposante filmographie du monstre sacré. Tournés entre 1966 et 1969, The Appaloosa, La Comtesse de Hong Kong et The Night of the Following Day sont des oeuvres mineures dans le parcours d’un Brando alors au milieu du gué -loin de la brillance définitive des chefs-d’oeuvre tournés pour Kazan dans les fifties, comme de l’éclat retrouvé au contact des Coppola et Bertolucci dans la décennie à suivre. Pour autant, même dans un « trou noir« , l’acteur électrise l’écran, et sa seule présence suffit à faire de ces films (beaucoup) mieux que quantité négligeable.

Premier opus américain de Sidney J. Furie, connu notamment pour The Ipcress File, avec Michael Caine, L’Homme de la Sierra est ainsi un petit modèle de western baroque. L’histoire est classique: un truand mexicain (John Saxon) et sa bande ayant volé son cheval -un magnifique appaloosa- non sans l’humilier au passage, un homme (Marlon Brando) entreprend de récupérer son dû, sous les beaux yeux d’une jeune femme (Anjanette Comer) détenue par les pistoleros. Furie filme de manière insolite ce scénario sans surprise, pour livrer un western maniériste habité par un Brando économe, et si l’acteur n’en fit guère cas, le film s’avère en tout point estimable. On se montrera plus critique à l’égard de La Nuit du lendemain, polar où une bande de malfrats emmenée par Brando kidnappe la fille d’un riche homme d’affaires américain pour ensuite la séquestrer dans une villa de la Côte d’Opale. L’intrigue ne s’embarrasse guère de vraisemblance, à quoi Brando apporte toutefois ce qu’il faut de sécheresse face à un Richard Boone halluciné, le film tourné notamment au Touquet (et alignant quelques tronches du cinéma français, comme Jacques Marin) restant assurément une curiosité. Enfin, si La Comtesse de Hong Kong est entrée dans l’histoire du 7e art, c’est au titre de dernier film réalisé par Charlie Chaplin, cette comédie mondaine étant par ailleurs l’objet de jugements contrastés -franc navet pour les uns, chef-d’oeuvre pour les autres. Comme souvent, la vérité se situe quelque part entre ces deux extrêmes. Et si ce vaudeville apparaît encore plus daté qu’il ne devait l’être à l’époque, il exhale néanmoins un charme certain tandis que Marlon Brando -un ambassadeur entamant à Hong Kong la croisière qui doit le ramener en Amérique- et Sophia Loren -une comtesse russe doublée d’une escort girl rencontrée à terre et s’étant dissimulée dans sa cabine- s’échinent à repousser l’amour auquel le scénario les destine. Anachronique, bien sûr, mais ô combien délicieux…

Jean-François Pluijgers

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