Adèle Exarchopoulos

"Je ne suis pas du tout consciente de ce que je projette." © © GETTY IMAGES

La jeune actrice surprend encore dans Le Fidèle. Son naturel et sa curiosité n’ont pas fini d’éblouir.

La vie d’Adèle Exarchopoulos l’a placée au centre des regards, un jour de mai 2013 et de Palme d’or pour le film d’Abdellatif Kechiche où elle se révélait, à 20 ans seulement, et dans le titre titre duquel figurait son prénom. Quelques mois plus tard, le César du meilleur espoir venait s’y ajouter. Aujourd’hui, la jeune actrice partage avec Matthias Schoenaerts la tête d’affiche du nouveau film de Michaël R. Roskam, Le Fidèle (lire aussi notre dossier en page 32). Une nouvelle interprétation marquante pour celle qu’on a pu admirer entre-temps dans Les Anarchistes etÉperdument. Adèle a toujours son côté femme-enfant sous sa coupe au carré, de grandes boucles d’or aux oreilles et sur la main gauche une bague unique, d’inspiration orientale. Autour d’un thé au miel, elle se livre sans fard au jeu de l’interview, jeu de la vérité dans son cas…

Ne jamais se trahir

« Accepter un scénario, c’est toujours prendre le risque d’être déçue, déclare la comédienne. Je pense que le plus important, c’est de ne jamais se trahir, de ne jamais s’engager à contrecoeur car c’est là que tu menaces un projet. Je pense qu’il y a une part de mystère qui fait partie du jeu. Si tu cérébralises trop, t’es mort! Au départ du désir pour Le Fidèle, il y a eu Michaël. J’avais adoré Bullhead (titre international de Rundskop, NDLR). Je n’avais jamais vu quelqu’un traiter ainsi les animaux à la hauteur des hommes, et les hommes à la hauteur des animaux! Prendre comme ça l’intelligence des animaux et celle des hommes, les mélanger, les confronter, les assimiler, je trouvais ça tellement brillant. Et puis, quand je l’ai rencontré, j’ai été frappée par l’énergie qu’a Michaël! Un premier entretien, c’est toujours intimidant. Tu te demandes: « Est-ce qu’il veut que je me comporte comme le personnage au risque de paraître hypocrite? Est-ce qu’au contraire je fais comme si j’étais moi-même au risque que ça ne lui plaise pas? » Mais avec lui, c’était juste fluide, agréable, sympa. On n’a fait que rigoler. Et puis il y a eu le fait qu’il avait pris Matthias, un acteur en face duquel j’avais envie de me retrouver. Et cette histoire d’amour, j’ai voulu l’incarner dès la lecture du scénario. »

Adèle parle à haut débit, sans pause ni ponctuation audible, enchaînant les phrases avec un appétit juvénile, une manière de formuler directe, bien de sa génération. Son partenaire du Fidèle, elle le devinait « de la même race, avec la même impulsivité et le même langage« . « Etje ne m’étais pas trompée, poursuit-elle, il y avait quelque chose d’évident entre nous, dans notre fraternité, notre envie d’être généreux, de rendre justice au personnage. Putain, c’était tellement bien! On était comme des enfants. J’ai aimé ce tournage comme une enfant, heureuse d’y aller. Il n’y avait pas d’ego, c’était si simple mais exigeant en même temps. »

Quelqu’un de bien

« Je ne suis pas du tout consciente de ce que je projette, explique Exarchopoulos. Parfois je me dis en lisant ce qu’on dit de moi que je ne suis tellement pas cette personne-là, que je suis tellement plus pudique que ce qu’on peut penser. C’est juste que ma pudeur je ne la mets pas dans de la timidité. Et ce n’est pas parce que je dis ce que je pense que je n’ai pas peur de la manière dont ça va être reçu. C’est juste que je ne sais pas faire autrement! »

Adèle assume le côté « compulsif » de « la quête d’adrénaline« , et « ce goût du risque comme celui des joueurs de poker pour qui c’est le risque de perdre qui est le plus important. » Elle relativise en souriant: « Mais c’est à ma petite échelle! Je ne vais pas mourir si je tourne un film que je trouve nul ensuite. Je vais juste me dire que j’ai fait le mauvais choix, ça sera un peu la honte. Ça reste un peu superficiel, mais le désir de faire des bons choix, d’être quelqu’un de bien et d’engagé est, lui, très profond. Avec mes peurs et mes doutes… » Elle sait très bien que « ça ne sert à rien d’aller vers ses acquis, de se répéter. J’ai une nouvelle conscience des choses parce que je grandis, j’ai une famille maintenant. Je ne veux pas lasser les gens, je ne veux pas me lasser moi-même. J’ai incarné beaucoup de personnages qui -consciemment ou inconsciemment- sont très sexués, et j’ai envie d’autre chose. Là je tourne un film d’époque (The White Crow de Ralph Fiennes, NDLR) et pour moi c’est un défi parce qu’il faut une certaine diction, se nourrir de l’époque (le tout début des années 60, quand le danseur et chorégraphe russe Rudolf Noureev passa à l’Ouest, NDLR), se demander pourquoi les femmes parlent comme ça, se tiennent comme ça, quel est leur rapport à la sexualité, à la féminité, à l’homme, au pouvoir et à la politique. C’est ça qui est trop bien dans mon métier: apprendre! Pour Le Fidèle, j’ai dû passer mon permis de conduire. Je l’ai raté trois fois, je ne l’ai eu que trois jours avant, c’était catastrophique! »

Elle peut en rire librement, elle qui « dans la vie, aime (ses) amis pour leurs défauts » et qui n’a pas peur du jugement des autres, tant son métier d’actrice passe par le fait de « se laisser aller« . « C’est comme ça que tu es le plus sincère, conclut-elle, si tu ne t’offres pas au personnage, tu n’y arriveras pas! J’espère parvenir à allier le travail et le naturel. Après La Vie d’Adèle, j’ai eu plein de propositions pour faire la même chose. Et quand tu es jeune, tu y vas, tu veux tourner. Tu es content parce que tu peux travailler en faisant ce que tu aimes et que c’est une chance inouïe. Du coup, tu n’as pas le recul nécessaire, celui qui s’apprend en faisant des erreurs, en étant déçue, en vivant, quoi! »

Rencontre Louis Danvers

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