À l’heure de Netflix

Robert Redford et Ritesh Batra sur le tournage de .

Annoncée mi-avril, la sélection du 70e festival de Cannes a suscité un fameux tollé. En cause, la sélection, en compétition, de deux productions Netflix –The Meyerowitz Stories de Noah Baumbach, et Okja de Bong Joon-ho-, assortie donc de la perspective qu’une éventuelle Palme d’or ne soit accessible qu’aux abonnés de la plateforme de diffusion en ligne. S’il y avait bien eu des précédents, comme Divines de Houda Benyamina, dont Netflix avait acquis les droits après l’édition 2016 du festival, ou Beasts of No Nation de Cary Fukunaga, diffusé en streaming après sa présentation à la Mostra de Venise en 2015, aucun n’avait suscité autant de remous. à tel point d’ailleurs que le plus grand festival de cinéma au monde a annoncé une modification de son règlement qui imposera, à compter de 2018, une sortie en salles pour tout film en compétition, ce qui est bien le moins en effet.

Cette cacophonie traduit aussi les bouleversements que traverse pour l’heure l’industrie du cinéma, dont les plateformes de diffusion online sont devenues des acteurs incontournables (Amazon n’étant pas en reste, puisqu’elle produit et diffuse de nombreux films -dont, notamment, le Wonderstruck de Todd Haynes, également sélectionné à Cannes-, auxquels elle assure toutefois une sortie préalable en salles). Une évolution sur laquelle Ritesh Batra porte un regard autorisé, lui dont le troisième long métrage, Our Souls at Night, adapté de Kent Haruf et réunissant Jane Fonda et Robert Redford, battra pavillon Netflix. « Amazon et Netflix ont des millions d’abonnés dans le monde, et les changements qu’apportent ces deux sociétés à l’industrie du cinéma me paraissent fort excitants, notamment en termes d’accès du public aux films, explique-t-il. Mon film va être diffusé en salles pendant une courte période et il sera ensuite disponible sur Netflix pour toujours. C’est un modèle intéressant, qui correspond aussi aux nouvelles habitudes de consommation: les gens se rendent de moins en moins au cinéma, mais ils peuvent désormais accéder à ces contenus chez eux, quand cela leur convient. On fait des films pour que les gens les regardent en définitive, même si j’espère que l’expérience de la salle de cinéma subsistera. En quoi je suis confiant: généralement, les choses coexistent… » Le réalisateur indien observe néanmoins que cette expérience n’a pas été sans incidence pratique sur son travail: « J’avais toujours tourné mes films en format widescreen (2.35:1). Avant que nous ne commencions Our Souls at Night, Netflix nous a soumis les résultats d’une étude montrant que si nous tournions ce film en 16:9, à savoir le ratio d’un écran de télévision, 25 % d’abonnés en plus le regarderaient. J’ai donc tourné dans ce format, puisque ce sera son canal de diffusion privilégié, et cela s’est révélé être une expérience passionnante, ni mon chef opérateur, Christopher Ross, ni moi n’ayant jamais eu l’opportunité de réfléchir au cinéma dans ce ratio auparavant. » Ce qui s’appelle une approche pragmatique…

J.F. PL.

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