68, années électriques – Les années 68

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« Le moment du basculement. Des images, des sons, quelques pièces du puzzle d’un changement du monde. Dans l’euphorie et la violence. » Comme il l’annonce dans le prologue de son double documentaire, trois heures au total, Don Kent retrace les choses à sa manière. Personnelle. Impressionniste. Trois heures durant, le réalisateur d’origine écossaise qui a beaucoup travaillé pour la télévision française (Les Enfants du rock, Le Cercle de minuit, Nulle Part Ailleurs…) fait revivre la vague de révolte et les grandes tendances contestataires qui ont ébranlé le monde entre 1965 et 1975: le mouvement pour la liberté d’expression sur le campus de Berkeley, les émeutes de Watts en 1965 et les USA au bord de la guerre civile; les Jeux olympiques et les poings levés, gantés de noir, sur

le podium; la culture hippie aussi, forcément… À travers des images d’archives parfois complètement dingues, les interviews d’historiens, d’activistes, d’écrivains (de l’essayiste et critique rock Greil Marcus au philosophe Régis Debray), Kent raconte une jeunesse qui ne veut plus de la vie qu’on lui propose, le crie fort et s’y oppose. Tire le portrait d’un monde en ébullition où tout semble possible. Car Les années 68 a la contestation itinérante. Le documentaire revient évidemment sur le fameux mois de mai, les échauffourées parisiennes, les deux mois de grève générale et la France paralysée… Mais il évoque aussi les cas de l’Allemagne et du Japon où, des deux côtés, la mort d’un étudiant a mis le feu aux poudres. Ou encore celui de l’Italie et de son terrorisme institutionnel. Il se promène au Brésil où le Tropicalisme s’oppose à la dictature militaire. Observe le Chili et la victoire d’Alliende en 1970. Puis le coup d’état, soutenu par les États-Unis, du dictateur Pinochet… Si la première partie du docu est chronologique, retraçant les grands événements survenus entre 1965 et 1969, la seconde est thématique et évoque ce qu’ont engendré ces années de révolte. La violence répressive, le lavage de cerveau culturel (l’image des Vietnamiens façonnée par Hollywood) et les excès de l’insurrection (la Fraction armée rouge, ses incendies et braquages)… La gauche serait morte dans ces années-là, selon certains. « Les premières graines des mouvements pour les droits civiques, la paix et la cause des femmes ont toutes été plantées pendant cette période, commente plus sagement John Densmore, le batteur des Doors. Je n’aime pas entendre dire que ça a été un échec. Ce n’est pas vrai. Ce sont des bonnes graines et elles mettront peut-être des centaines d’années à porter leurs fruits. Alors ne vous plaignez pas. Prenez votre arrosoir. » Comme le conclut ce passionnant, vibrant, trépidant documentaire: le monde a changé mais tout reste à faire.

Documentaire de Don Kent.

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