Critique | Livres

Victor et l’ourours

FABLE MÉTAPHYSIQUE | Teinté de poésie et de non sens, le récit renoue avec la veine métaphysique qui irriguait déjà l’album précédent d’Alexandre Franc, Macula Brocoli.

VICTOR ET L’OUROURS, DE ALEXANDRE FRANC, ÉDITIONS ACTES SUD. ***

FABLE MÉTAPHYSIQUE | Brancardier solitaire, Victor erre au milieu des cadavres et des décombres d’une guerre aux allures de boucherie. Mais ce qui le préoccupe surtout, c’est le refus de Léna de céder à ses avances à la veille de son départ pour le front. Dépité, il s’enfonce lentement mais sûrement dans la folie, se persuadant que tout « ça », les tranchées, les corps mutilés, sa dulcinée, n’existe pas. Désormais, seul Dieu peuplera son univers. Ce qui nous vaut quelques scènes cocasses quand Victor est fait prisonnier et qu’il nie l’existence de ses ennemis. Il ne croit plus en rien, même pas à la légende de l’ourours, personnage mythique et originel dont la destinée alimente une histoire parallèle. Teinté de poésie et de non sens, le récit renoue avec la veine métaphysique qui irriguait déjà l’album précédent d’Alexandre Franc, Macula Brocoli, réflexion vertigineuse mais traitée avec l’ironie décalée et distanciée d’un Chris Ware sur les dangers de la science. Victor et l’ourours a les défauts de ses qualités: si on prend plaisir à s’enfoncer dans les sous-bois de l’inconscient, guidé par le tracé soyeux d’une ligne claire aux accents swartiens, on se perd parfois en chemin. Il faut donc accepter de lâcher la rampe de la raison pour entendre résonner cette voix originale dans le concert de la BD française.

L.R.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content