Critique | Livres

Revenants

Laurent Raphaël
Laurent Raphaël Rédacteur en chef Focus
Revenants

Quand il entend ces chiffres à la radio en 2007 par un matin blême, Olivier Morel, réalisateur français installé aux Etats-Unis, se met à trembler. Un mélange de colère, de peur et de révolte le submerge, alimenté par la valse des slogans patriotiques omniprésents dans le paysage. L’absurdité de la guerre et ses conséquences dévastatrices sur les survivants réveillent en lui le souvenir d’un grand-père qui s’est suicidé à l’alcool après la Seconde Guerre mondiale. Olivier Morel ne le sait pas encore mais il vient de trouver le sujet de son prochain documentaire. Donner la parole à ces hommes et femmes condamnés à une double peine -ils ont vécu l’enfer et subissent l’indifférence, l’incompréhension, sinon le rejet à leur retour au pays- s’imposera vite comme une évidence. C’est l’histoire du tournage de ce film, L’âme en sang, qui sera diffusé en 2011 sur Arte, que raconte à rebours ce journal de bord écrit à la première personne. Un voyage douloureux au plus près des séquelles psychologiques de ces vétérans dégoûtés de ce qu’ils ont fait autant que de leur pays qui les a transformés en machines de guerre. A force d’écoute et de complicité, le cinéaste réussit à percer le blindage de la culpabilité derrière lequel se cachent de lourds secrets. Certains ont tué, d’autres ont torturé, tous ont touché le fond. Et ne s’en remettront jamais. Olivier Morel évite soigneusement le sujet à thèse, la démonstration appuyée grâce à un scénario où affleurent en permanence sa propre sensibilité, ses propres doutes, le trait délavé à l’aquarelle de Maël achevant de faire de ces Revenants une charge antimilitariste qui remue les tripes.

  • DE MAËL ET OLIVIER MOREL, ÉDITIONS FUTUROPOLIS, 120 PAGES.

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