Moynot: « J’aime les losers magnifiques »

L'homme qui assassinait sa vie © Emmanuel Moynot
Olivier Van Vaerenbergh
Olivier Van Vaerenbergh Journaliste livres & BD

Emmanuel Moynot sort ces jours-ci L’homme qui assassinait sa vie, adaptation en bande dessinée du roman de Jean Vautrin. Nous l’avons rencontré.

Baru a publié récemment l’adaptation de Canicule. Vous voilà avec un autre roman de Vautrin, chez le même éditeur, avec un style graphique relativement proche.

C’est Baru lui-même, passionné par les romans de son ami Jean Vautrin, qui m’a demandé de m’attaquer à une seconde adaptation. J’ai choisi ce roman-là car il commence à Bordeaux et se déroule dans des lieux que je connais bien. Et je crois aux signes: le personnage de l’autiste ressemble beaucoup à un personnage que j’avais moins même utilisé dans un livre (Y5/P5, histoire d’amour entre une voyante et un autiste, paru en 98, NDLR), j’en ai même repris les traits, le physique. Mais il y en aura encore d’autres, oui: je crois savoir que Jeff Pourquié va réaliser une troisième adaptation. Et moi-même, j’aimerais donné une deuxième chance au personnage de Gus Carafe, le privé raté qui apparait ici. Peut-être pas une adaptation, peut-être un travail à quatre mains… On verra.

Il y a en tout cas comme une évidence à vous retrouver ici: l’univers à la fois désespéré et ironique de Vautrin vous va comme un gant, et rappelle certains de vos albums précédents.

Chez Vautrin, j’apprécie surtout le sens des situations et des personnages, et ce type d’humour très noir que j’ai moi-même déjà manié. J’aime les losers magnifiques, le genre de crétins qu’on trouve chez les frères Cohen. En tant qu’auteur, je me dois d’être un peu tous mes personnages à la fois. Et on a tous du con ou du salaud en soi.

Graphiquement, vous êtes plus « trait jeté » que jamais. On sent une grande liberté, une grande décontraction dans votre dessin. Qui rappelle une fois encore Tardi, une de vos références.

J’ai essayé ici de revenir au trait pur, sans matières, avec des noirs bien noirs, et c’est vrai que Tardi m’a marqué et pas seulement pour avoir dessiner trois Nestor Burma à sa suite. Dans sa manière de ne pas faire d’effets, de transformer une ville en véritable personnage. Mais j’ai d’autres influences très fortes, comme Will Eisner ou Alexis, même si c’est moins évident dans le dessin.

Reste ce travail à proprement parlé d’adaptation d’un roman. Dont vous vous éloignez volontiers du texte.

Oui, tout le contraire des Nestor Burma, qui exigeaient d’être très scrupuleux. Ici, il fallait faire preuve de moins de respect pour l’oeuvre, avoir une approche plus émotionnelle du récit. Je me suis donc fait un résumé de sept pages, pas plus, du roman de Vautrin. Je n’ai plus ouvert le livre ensuite.

Lire la critique de L’homme qui assassinait sa vie.

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