Critique | Livres

Monsieur Espoir, Beating: insaisissable Musturi

Le quart livre de M. Espoir © La 5e couche
Olivier Van Vaerenbergh
Olivier Van Vaerenbergh Journaliste livres & BD

Le chef de file de la BD indé finlandaise, Tommi Musturi, voit son oeuvre protéiforme célébrée par deux livres et une expo au Grand Sablon.

« J’ai peur de m’ennuyer. Et puis je pense d’abord à l’histoire que je veux raconter, avant de lui trouver la forme qui lui convient. » Si Tommi Musturi, trentenaire et finlandais, a peur de s’ennuyer, nous, on ne se lasse pas. Depuis plus de quinze ans, l’auteur, dessinateur et graphiste distille en français, entre autres via La Cinquième Couche, des petites perles graphiques, narratives et a priori typiques: humour à distance, couleurs vives, naturalisme omniprésent, questions existentielles… Si Musturi est capable à lui seul de résumer la BD finlandaise, c’est que son univers, pour cohérent qu’il soit, englobe presque tous les styles et toutes les formes: la douceur de la ligne claire dans ses récits de Monsieur Espoir, d’une grande violence débordant de couleurs et d’expressionnisme dans ses illustrations et expériences au sein du collectif Kuti Kuti, célébré en Europe. La Cinquième Couche sort deux Musturi en quelques mois et l’expose au Sablon. Causerie au coin de ses dessins.

Question classique au pays de la BD: peut-on encore parler de BD en regardant vos dessins?

Ce n’est pas mon problème, je ne me pose pas la question. Si on prend l’aspect narratif comme définition première, on peut faire de la BD en prenant deux cases, n’importe lesquelles, de n’importe quels livres: des lecteurs en feront une histoire, bâtiront des ponts. Je sais par contre que mes dessins se destinent pour la plupart à des livres, c’est leur support principal.

Monsieur Espoir, Beating: insaisissable Musturi

On vous découvre illustrateur et expressionniste avec Beating, mais on vous connaissait très ligne claire avec Monsieur Espoir. Pourquoi passer ainsi de l’un à l’autre?

La ligne claire semble, mais semble seulement, plus facile. Cette manière de faire, plus traditionnelle, demande en réalité un travail acharné, permet de s’insinuer en douceur dans l’esprit du lecteur.

Vous êtes fourbe, parce que la forme est classique, mais le contenu, complètement différent: on est dans l’onirisme, la temporalité… Il ne se « passe » pas grand-chose!

Non, c’est vrai: on pourrait même constater, après quatre livres déjà parus, qu’il ne s’y passe, effectivement, à peu près rien. C’est une digression sur la vie, la mort, le rapport au monde, à la nature… Mon oeuvre peut-être la plus finlandaise.

Vos thèmes ne sont jamais terre à terre: la vie, la mort, la religion, la politique… Ça aussi, c’est très finlandais?

Je ne sais pas vraiment. Les BD suédoises sont très différentes, beaucoup plus proches du quotidien. Nous, on a chacun notre style reconnaissable, mais on évoque souvent des questions existentielles. C’est dû à l’isolement, notre rapport très fort à la nature… Ou parce qu’il n’y a pas grand-chose dans la société finlandaise que j’ai envie de raconter.

Le quart livre de M. Espoir, de Tommi Musturi. Éditions La cinquième couche, 48 pages. ***

Beating, de Tommi Musturi. Éditions La cinquième couche, 120 pages. ***

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