Les désarmés

© Drugstore

Désert du Texas, Etats-Unis. Une voiture de police trouée comme un gruyère dévale plein tube le ruban de macadam brûlant.

De Mezzo et Pirus, Éditions Drugstore, 104 pages.

Derrière le volant, un homme blessé au bras lutte pour rester conscient. A ses côtés, une femme se vide de son sang tandis qu’un corps inerte squatte la banquette arrière. La radio crachote des messages menaçants à l’encontre de fugitifs qui tenteraient de rejoindre le Mexique. Deux planches plus loin, le véhicule quitte la route, rencontre de gros cailloux et part en tonneaux…

Après cette entrée en matière à cent à l’heure, le récit fait marche arrière. On se retrouve 48 heures plus tôt, quand Jack Farell revient à Crystal, la ville de son enfance, qu’il avait quittée pour aller faire fortune dans le nord. Pari perdu. Il est fauché comme un Grec. Et pour ne pas perdre la face devant sa mère, il s’est mis en tête de braquer la banque du coin avant de rentrer au bercail. Pas de chance pour lui, une petite frappe l’a reconnu et a même flairé son projet d’aller solder les comptes du voisinage.

Pour ajouter encore à la poisse qui lui colle à la peau, sa petite virée en ville vient court-circuiter un casse nettement plus ambitieux que fomentent de concert le shérif véreux, une bande de mafieux et… la propre mère de Jack. Avec une telle brochette de sans foi ni loi, où tout le monde essaie de doubler tout le monde, l’affaire ne peut que mal tourner.

Ce que Mezzo et Pirus nous racontent sur un mode dépressif en alternant les flash-back et les derniers soubresauts d’une chevauchée sanglante et désespérée. Les 2 Français avaient publié ce road movie suffocant en 2 tomes au début des années 90. Le succès critique et public de leur saga Le roi des mouches achevée il y a 2 ans explique que Drugstore repasse aujourd’hui les plats. Mais en un seul service cette fois. Et toilettés pour l’occasion. On y retrouve déjà les ingrédients de leur futur trip existentiel.

En vrac, un sens scénaristique virtuose, une habiletéà planter des ambiances et des personnages à la noirceur palpable, un goût prononcé pour les oedipes mal digérés, et un coup de crayon graphique qui est comme de la ligne claire sous haute tension. Cette réédition a d’ailleurs bénéficié d’une nouvelle mise en couleur. On navigue dans des tonalités brunâtres et aubergine, comme si l’âme crépusculaire des protagonistes déteignait sur le papier. Avec culot et panache, Les désarmés racle la mythologie américaine du polar jusqu’à l’os. Et nous laisse groggy. Mais heureux.

Laurent Raphaël

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