Critique | Livres

Le livre de la semaine: Une putain de catastrophe, de David Carkeet

David Carkeet © DR
Eric Swennen
Eric Swennen Journaliste livres

ROMAN | Le deuxième volet des aventures de Jeremy Cook est tout sauf une « putain de catastrophe »: il s’agit même d’un des romans les plus réjouissants de ce printemps!

Le livre de la semaine: Une putain de catastrophe, de David Carkeet

Il y a pile un an, avec le nébuleux Le Linguiste était presque parfait, nous découvrions l’Américain David Carkeet et son anti-héros Jeremy Cook, spécialiste zélé en matière de babillements de bébés impliqué dans une absurde histoire de meurtre. Notre intérêt piqué au vif par les éditions Monsieur Toussaint Louverture, nous attendions au tournant la suite des aventures de cet attachant misanthrope, portées par une écriture se jouant des genres avec une dextérité rare.

Nous retrouvons donc dans ce deuxième volet un Cook célibataire -ce qu’il gère plutôt bien- et sans emploi -ce qu’il digère beaucoup moins bien. Finalement engagé par la mystérieuse agence Pillow -du nom de son allumé de directeur Roy Pillow-, Jeremy Cook est catapulté comme médiateur conjugal. Sa mission: vivre et disséquer le quotidien d’un couple en détresse en usant de la seule science qu’il maîtrise: la linguistique. Car, dixit l’agence Pillow, ce qui fait le sel de l’amour, dans ses bons comme dans ses mauvais moments, c’est toujours une histoire de communication aux rouages mal huilés. Le tout est de trouver L’HORREUR qui se loge inexorablement dans toute relation pour mieux la dompter. Armé de la devise de Roy Pillow (« Le Manuel Pillow sera votre guide! ») -dont ce dernier abuse tel un mantra aussi agaçant qu’inefficace-, et d’une expérience de Don Juan toute aussi instable, Jeremy Cook s’installe chez Dan et Beth Wilson, heureux parents du jeune Robbie, mais couple dont le mariage est sur le point d’imploser à tout moment.

Les hommes viennent de Mars

Ce poste de garde-fou est un véritable rôle de composition pour Cook, lui-même incapable de savourer le plus banal instant de la vie à deux. Il lui faudra donc compter avec son infaillible sens du devoir envers la linguistique bien-aimée et son désir de sauver une réputation des plus fragiles pour éviter le naufrage aux Wilson. Le plus dur dans l’histoire étant finalement de gérer les improbables contacts avec son patron -les moments de pure drôlerie du roman- et ses instructions aussi sibyllines que foutraques. Soyons clair: avec un sujet aussi éculé que le mariage et ses multiples déboires, David Carkeet s’aventure bel et bien sur un terrain miné de clichés du style Les Hommes viennent de Mars et les femmes de Vénus. Mais si l’écrivain y va lui aussi de sa petite théorie de genre -« Les femmes se marient dans l’espoir d’un grand changement, alors que les hommes, eux, se marient pour que les choses restent les mêmes »-, on aurait bien tort de s’enfuir en courant. Car la force de Carkeet est de taper sur les doigts d’un modèle de société qui n’accepte pas l’échec, avec un détachement des plus savoureux. De quoi faire de cette Putain de catastrophe un de ces rares romans à conseiller tous azimuts, aux indécrottables romantiques autant qu’aux célibataires endurcis. Un troisième et dernier tome étant bien prévu chez le même éditeur, on le clame haut et fort: vivement la suite!

  • DE DAVID CARKEET, ÉDITIONS MONSIEUR TOUSSAINT LOUVERTURE, TRADUIT DE L’ANGLAIS (ÉTATS-UNIS) PAR MARIE CHABIN, 416 PAGES.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content