Critique | Livres

Le livre de la semaine: Leçons d’un tueur, de Saul Black

Saul Black © Michael Lionstar
Olivier Van Vaerenbergh
Olivier Van Vaerenbergh Journaliste livres & BD

THRILLER | Glen Duncan, star du fantastique, devient Saul Black pour son premier thriller. Et s’attaque au genre par son plus gros cliché: le tueur en série.

Glen Duncan n’avait pas besoin de ça. Depuis 2002 et Moi, Lucifer, où Satan le narrateur faisait face à une méchante et drolatique crise de la quarantaine, l’auteur anglais d’origine indienne connaît un beau succès dans le genre fantastique. Et adore déjà s’y frotter aux clichés des genres, encore avec succès, à l’image de sa trilogie Le dernier Loup-Garou. « Mais je recherche toujours de nouvelles choses à faire. Or j’aurai 50 ans cette année, j’écris depuis mes 16 ans, et je me suis rendu compte que j’écris toujours sur l’éternelle lutte du Bien contre le Mal, et pourtant, je n’avais jamais écrit de vrais romans policiers ou de purs thrillers. Pouvais-je contrôler mes tendances naturelles à l’ironie et à la digression, aller vers un récit plus direct, et très brutal dès le départ? » La réponse, à la lecture de ses Leçons d’un tueur pour lesquelles il a choisi de se nommer Saul Black –« ça m’a aidé à être à distance de moi-même, à être quelqu’un d’autre »-, est évidemment oui. Si son ou ses tueurs en série ne révolutionnent pas les mécaniques de cette figure imposée, Saul Black en tire néanmoins l’essentiel: terrifier ses lecteurs, quasi littéralement.

Léon, nouveau Lecter

Le livre de la semaine: Leçons d'un tueur, de Saul Black

Dans le pitch, rien d’innovant: une inspectrice de la brigade de San Francisco se lance aux trousses d’un tueur en série qui en serait déjà à sept cadavres dans tout le pays. Sept femmes « enlevées, violées, mutilées et assassinées ». Et dans le corps desquelles, détail cocasse, le (ou les?) tueur(s) dépose à chaque fois divers objets. Les leçons de Léon, c’est son nom, seront au coeur de cette chasse au dingo, construit tel un puzzle à plusieurs voix -victimes, chasseurs et bourreaux. Classique donc, sauf que: Saul Black vous prend à la gorge dès les premières pages, réellement éprouvantes, et ne desserre jamais l’étreinte. « Le ton d’un roman dépend de son sujet, nous expliquait-il récemment lors de son passage aux Quais du Polar de Lyon. Dans la SF ou la Fantasy, on reste à côté du vrai monde, c’est amusant. Mais ici, je traite d’une réalité, des gens sont tués, je ne peux imaginer ça avec humour ou ironie. Certains savent le faire, mais en terme de suspense, l’ironie a un effet contraire, elle vous détend. Et ce n’était pas mon objectif. »

L’objectif était donc le suspense pur, et la terreur imposée par un tueur rappelant pour beaucoup dans la sophistication de l’horreur le Hannibal Lecter de Thomas Harris. Saul Black nuance: « Je voulais des personnages avec une vraie profondeur, or ni la génétique, ni la psychologie ne peuvent tout expliquer. Certains deviennent des tueurs sans enfance dramatique, et tous ceux qui souffrent d’une enfance dramatique ne deviennent pas des tueurs! Enfin, selon moi, il n’y a pas de justice cosmique: oui, parfois, les coupables s’en sortent. »

THRILLER DE SAUL BLACK, ÉDITIONS PRESSES DE LA CITÉ, TRADUIT DE L’ANGLAIS, 492 PAGES.

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