Le Grand Prix du roman de l’Académie française attribué ex aequo à Hédi Kaddour et Boualem Sansal

Hédi Kaddour et Boualem Sansal remportent ex aequo le Grand Prix du roman de l'Académie française © Belga Image
FocusVif.be Rédaction en ligne

L’Académie française a récompensé jeudi les écrivains Hédi Kaddour et Boualem Sansal, faisant le choix audacieux de deux écrivains originaires du Maghreb qui incarnent la vitalité de la francophonie.

L’Académie française a récompensé jeudi les écrivains Hédi Kaddour et Boualem Sansal, faisant le choix audacieux de deux écrivains originaires du Maghreb qui incarnent la vitalité de la francophonie.

Les deux écrivains l’ont emporté au 4e tour avec 11 voix chacun contre une voix pour Agnès Desarthe en lice avec « Ce coeur changeant » (éditions L’Olivier).

C’est la troisième fois depuis la création du grand prix du roman en 1915, que l’Académie française renonce à départager deux candidats.

« C’est un prix fabuleux », a réagi Boualem Sansal (66 ans), souriant, les cheveux coiffés en catogan, le col de la chemise ouvert. « Ce n’est pas un prix commercial », s’est-il félicité en insistant: « c’est l’Académie française! ». « Ca pose son auteur », a-t-il dit en souriant.

Algérien francophone, Boualem Sansal, auteur de « 2084 » (chez l’éditeur Gallimard) a longtemps fait figure de favoris des prix littéraires d’automne en France. Il fut dans toutes les sélections (Goncourt, Renaudot, Femina, Medicis). Il ne demeure aujourd’hui en lice que pour le Femina et l’Interallié.

Né à Tunis il y a 70 ans, d’un père tunisien et d’une mère française, Hédi Kaddour, auteur du roman « Les prépondérants » (Gallimard) demeure en course pour le Goncourt mais aussi pour le Femina et le Medicis. Il avait déjà reçu lundi le prix Jean-Freustié.

Beaucoup plus réservé que Boualem Sansal, les yeux brillants d’émotion, cherchant ses mots, il s’est excusé en expliquant être « quelqu’un de lent, de réfléchi ».

Dans son discours de remerciement, il a dit être « persuadé que la langue française a besoin d’oeuvres qui l’illustrent ».

« Il y a au creux même de l’exercice de notre langue des choses qui tendent à se dégrader. Notre rôle d’écrivain est de travailler à l’usage esthétique de la langue écrite. Nous travaillons dans l’ombre, et de temps en temps, une institution prestigieuse vient mettre en lumière ce que nous faisons », a-t-il souligné.

Depuis leur sortie, fin août, les deux romans connaissent un succès populaire. « 2084 » a été vendu à plus de 100.000 exemplaires. En moyenne, un livre récompensé par le prix du roman de l’Académie française se vend à plus de 200.000 exemplaires.

L’écriture comme une tenue de combat

En dénonçant clairement dans son roman, même sans jamais la nommer, la menace islamiste Boualem Sansal apparaît comme un des écrivains les plus courageux et les plus engagés de la rentrée. L’académicien Jean-Christophe Rufin ne s’y pas trompé en saluant « l’audace de Boualem Sansal » qui « attaque un sujet brûlant d’actualité, une contre-utopie qui se situe dans la filiation d’Orwell ».

Dans ce livre, a poursuivi M. Rufin, « on fait l’expérience d’un totalitarisme à base religieuse. Dans cette forme de théocratie, on n’impose pas aux gens de croire mais les rituels autour de la religion ne laissent plus la possibilité de penser ».

« 2084 », sous-titré « la fin du monde », nous entraîne dans le futur au coeur de l’Abistan, un Etat religieux fanatique dont le pouvoir s’étend presque sur toute la planète. Le lien avec le chef-d’oeuvre de George Orwell, « 1984 » est évident.

Le livre est servi par une écriture puissante et compacte. Il n’y a pratiquement pas de dialogues. Sous la plume de Sansal, le français devient une langue ensorcelante. Ses mots cinglent. « Je ne pratique pas la langue de bois », aime dire le romancier qui ajoute s’être « mis à écrire comme on enfile une tenue de combat ».

L’académicien Frédéric Vitoux a salué de son côté « l’ampleur romanesque » d’Hédi Kaddour qui « brasse dans une histoire et une géographie données une masse de personnages savoureux et foisonnants dont les destins s’entrecroisent, et qui éclairent notre époque ».

C’est la chronique d’un monde en train de sombrer que donne à voir Hédi Kaddour dans « Les Prépondérants », roman haletant et fresque implacable d’une société coloniale figée des années 1920 en Afrique du Nord.

Comptant parmi les quatre finalistes du Goncourt, Kaddour pourrait devenir le troisième écrivain à recevoir la même année le grand prix du roman de l’Académie française et le Goncourt.

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