Le crowdfunding pas toujours gage de réussite pour les artistes

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Céline Paquet Stagiaire

Le financement participatif est prisé par les jeunes écrivains pour se faire connaitre et éviter les déboires qui vont souvent de pair avec le monde de l’édition. Mais est-ce toujours une bonne solution? Éléments de réponse avec les auteurs du Chat qui bronzait.

Editer un livre n’a jamais été chose aisée. Dans la masse de manuscrits que reçoivent les éditeurs tous les jours, il n’est pas évident de se distinguer. Aussi, de nombreux jeunes auteurs se détournent des systèmes traditionnels et décident de financer eux-mêmes leur livre, en passant notamment par le crowdfunding. Mais attention, toutes les plateformes ne fonctionnent pas toutes de la même façon.

Lors d’une conférence sur le sujet à Mons, divers témoins sont venus discuter de leur expérience dans le crowdfunding. Beaucoup étaient enchantés de leur initiative mais d’autres étaient un peu plus amères. Le problème ne venait pas d’un échec cuisant, comme on en voit parfois sur les plateformes de crowdfunding, mais d’insatisfaction générale face au système.

Alexandre Alaphilippe et Rosanne Mathot sont les auteurs d’un recueil de nouvelles appelé Le chatqui bronzait. Après la rédaction de ce livre, ils ont décidé de se lancer dans le crowdfunding, et plus particulièrement vers la plateforme Bibliocratie. Cette plateforme est spécialisée dans le financement de livres. Le principe est simple: vous envoyez votre projet, il est mis sur le site et vous attendez que de potentiels lecteurs viennent précommander votre livre.

Le chat qui bronzait, un exemple de crowdfunding qui ne satisfait pas ...
Le chat qui bronzait, un exemple de crowdfunding qui ne satisfait pas … © DR

Le principe de base de ce site réside en trois grands points: permettre aux écrivains, d’abord, de conserver leurs droits d’auteur dans leur intégralité; ensuite, d’estimer eux-mêmes le prix du livre et la quantité à vendre. Le troisième principe est de laisser à chacun une chance de participer.

Une fois le projet envoyé, les auteurs du Chat qui bronzait disposaient de deux mois pour récolter 100 souscripteurs. Au bout des deux mois et beaucoup de stress, près de 187 livres ont été précommandés. Le crowdfunding est donc un succès. Mais il y a un hic… ou même plusieurs. Tout d’abord, dans le concept de crowdfunding lui-même. Le financement participatif est basé sur le principe de réseau. « Un ami d’un ami m’a parlé tel ou tel projet, ça pourrait te plaire. Va jeter un oeil… » Mais ce réseautage ne se fait pas de manière naturelle, malheureusement. Au final, c’est papa et maman, les frères et soeurs, et les amis qui ont acheté le livre de nos deux acolytes. Et très peu de souscripteurs ont acheté le livre par intérêt réel…

Un autre souci vient du manque de présélections des projets. Bibliocratie se présente en fin de compte comme un « Mont Everest en papier ». Une multitude de livres sont proposés sur le site sans présélection. Si l’idée est de donner à tous les auteurs une chance de se voir publiés, ils se retrouvent en réalité noyés dans la masse. Bien sûr, le site propose un « accompagnement » des auteurs, mais il reste relativement léger. A part des publications sur les réseaux sociaux et quelques newsletters, ce sont les écrivains qui, au final, font leur propre pub. Ou « harcèlement des proches », comme l’a expliqué Alexandre Alaphilippe, lors de la conférence.

Ce genre de crowdfunding n’offre que peu de perspective. Les 187 exemplaires ont été commandés. Ils sont imprimés et distribués, mais quid de la suite? Seul le nombre d’exemplaires précommandés est imprimé. Ni plus, ni moins. Si les auteurs veulent en faire imprimer une nouvelle fois, ils sont repartis pour des mois de stress pour retrouver 100 nouveaux lecteurs. Comme l’a dit explicitement Alexandre Alaphilippe: « Le crowdfunding, une fois mais pas deux! » Et voilà, où les auteurs en sont… Des livres vendus, certes, mais aucune campagne de publicités derrière, aucun exemplaire présent en librairie et surtout, peu de chance de se faire repérer par un éditeur.

Le crowdfunding, sous cette forme, ressemble finalement à du « one-shot ». Une possibilité d’effleurer son rêve du doigt… Mais, c’est là qu’un autre débat commence, celui de savoir si, oui ou non, une production culturelle est destinée à être vendue comme un quelconque produit…

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