Critique | Livres

La drôle de tête de Spirou

La Grosse tête, le Spirou de Tehem, Makyo et Toldac. © Dupuis
Olivier Van Vaerenbergh
Olivier Van Vaerenbergh Journaliste livres & BD

HUMOUR | Tehem s’empare du dessin de Spirou et Fantasio pour un one-shot bourré de références. Mais aussi très éloigné graphiquement de ses prédécesseurs.

C’est le principe même de cette collection qui en est déjà à son huitième tome: un ou des auteurs réinterprète(nt) le temps d’un album (ou de deux en cas de succès, comme Yann et Schwartz) l’univers de Spirou et Fantasio, la série-phare de la maison Dupuis. Une bonne idée marketing -elle permet de voir la marque plus fréquemment en librairies- et, parfois, une bonne idée éditoriale -elle peut offrir un bel écrin à des auteurs « importants » de la maison (Le Gall, Tarrin, bientôt Frank Pé ou Hardy) ou faire office de solide porte d’entrée à des auteurs issus de l’extérieur, et désormais recrutés, comme Schwartz, Parme ou Bravo.

La drôle de tête de Spirou

Cette Grosse tête fait les deux: elle offre une belle reconnaissance à Makyo et Toldac, vieux amis de la maison, et un énorme tapis rouge à Tehem, connu jusqu’ici comme membre de la bande à Tchô!, le magazine de Zep et Glénat aujourd’hui disparu. Un mélange des genres et des racines qui, cette fois, ne pourra pas plaire à tout le monde.

L’ombre pesante de Franquin

Niveau scénario, Makyo et son frère Toldac jouent à fond, presque trop, le jeu de l’hommage et des clins d’oeil: cette Grosse tête se veut en effet une référence directe à la mythique Mauvaise tête de Franquin -Fantasio a écrit sa propre version de l’histoire, et se voit adapter au cinéma- mais aussi au non moins mythique QRN sur Bretzelburg, puisqu’un coup d’Etat militaire et culinaire y a renversé le bon roi et impose le Chtoumpfell à tout le monde. Seccotine et Champignac font aussi partie de l’aventure et on a même droit au retour de Kilikil! Autant de vieux amis et de bons souvenirs qui donnent envie aux vieux fans comme les croquettes aux chats; mais des vieux fans qui risquent aussi d’être échaudés par le graphisme de Tehem, moderne, humoristique et virevoltant, mais aux antipodes de l’élégance d’un Franquin.

Cette Grosse tête, pas vraiment ratée mais loin d’être réussie, prend vite l’allure d’un cadeau empoisonné pour l’auteur attachant de Malika Secouss ou de Zap Collège: les vieux de la vieille vont le vouer aux gémonies, alors que ses fans habituels le trouveront plus coincé que d’habitude et excellent, surtout, lorsqu’il n’y dessine pas Spirou, Fantasio et tous les autres qui existaient avant lui… A l’instar de Nob, autre transfert de Tchô! qui a pu faire son entrée chez Dupuis avec Dad, sa propre série qui lui ressemble, Tehem aurait peut-être gagné à faire une entrée plus discrète. Ou en tout cas moins exposée: avec une telle Grosse tête, certains ne manqueront pas de la lui prendre.

LE SPIROU DE TEHEM, MAKYO ET TOLDAC, ÉDITIONS DUPUIS, 72 PAGES.

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