[La BD de la semaine] Réalités obliques, de Clarke

© Le Lombard
Olivier Van Vaerenbergh
Olivier Van Vaerenbergh Journaliste livres & BD

L’auteur de Mélusine confirme avec Réalités obliques un virage assumé vers le sombre, l’étrange et les récits plus personnels.

Une femme qui n’existe qu’un jour sur deux. Un homme qui n’arrive pas à mourir. Un reflet enfermé dans le miroir. Un homme qui vit en différé. D’autres qui se noient perpétuellement, sont enterrés vivants ou qui de manière générale, dans ces 25 courts récits tenant strictement en quatre planches carrées et toujours en noir et blanc, ont basculé dans des « réalités obliques »… Clarke a eu raison de citer Rod Serling au premier rang de ses remerciements, juste devant Jean Ray, Edward Hopper, J. G. Ballard, Andréas ou Marc-Antoine Mathieu: le Liégeois s’offre ici sa propre Quatrième Dimension, série culte dont Serling fut le créateur à la télévision américaine dans les années 60, et qui a donné le la à des générations entières en matière de récits de l’étrange, de science-fiction anxiogène ou d’anticipation proche de la métaphysique -votre serviteur reste marqué par les récits de l’appareil photo prenant des clichés du futur proche ou de cet ultime survivant de l’apocalypse, tout content d’avoir enfin le temps de lire, avant de casser ses lunettes… L’auteur de Mélusine lui rend donc un hommage appuyé. Et plutôt réussi.

Avant Dilemma

[La BD de la semaine] Réalités obliques, de Clarke

Si Réalités obliques offre d’abord à Clarke un nouveau terrain de jeu graphique et narratif -des récits courts dans un canevas rigide, un travail permanent sur les ombres, les masses de noir et le clair-obscur-, cet album hors format et hors normes s’inscrit aussi dans la suite logique d’une carrière déjà forte de près de 70 albums, certes marquée par un fort héritage franco-belge, « gros nez » et tout public (son tonton Seron dessinait Les Petits Hommes), mais aussi par des chemins de traverse de plus en plus sombres et personnels. Réalités obliques permet ainsi à Clarke, comme dans ses précédents Luna Almaden ou Nocturnes, d’exprimer des angoisses plus intimes que celles de Mélusine, avec un trait qui n’abandonne rien de ses gammes mais qui tire de plus en plus vers le réalisme. Réalités obliques est une petite pierre bien excitante sur un chemin qui ne l’est pas moins. Que dire alors de son futur album, très ambitieux, prévu en janvier et toujours au Lombard: Dilemma, un roman graphique de 130 pages entre philosophie grecque et Seconde Guerre mondiale sur le choix et le déterminisme, sera édité en même temps, en deux versions, pourvues de deux fins radicalement différentes. Avant de nouvelles Réalités obliques, déjà en cours sur sa table à dessin.

DE CLARKE, ÉDITIONS LE LOMBARD, 160 PAGES.

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