Critique | Livres

Gisèle et Béatrice: Feroumont remet de l’amour dans le porno

Gisèle et Béatrice © Benoît Feroumont
Olivier Van Vaerenbergh
Olivier Van Vaerenbergh Journaliste livres & BD

ROMAN GRAPHIQUE | Benoît Feroumont peut tout se permettre, même un formidable récit érotique. Dans lequel cet humaniste parvient à remettre de l’amour dans le porno…

Avant de rencontrer Béatrice, Gisèle se nommait Georges. C’était un homme, un sale con et le patron de Béatrice. Georges a tenté de la faire chanter pour coucher avec elle, mais Béatrice va réagir: elle a sous la main une sorte de vieux sorcier africain qui te transforme, hop, un sale con francophone en jeune blonde bombasse et immigrée de Kholdavie, accent compris! Georges est donc devenu Gisèle, « le genre de gonzesse que vous mettriez au fond de votre lit en abusant de votre position ». Et Gisèle va devenir l’esclave sexuel de Béatrice, qui a subi le même sort africain avant lui… mais en gardant son (gros) kiki. Mais le plus beau, et pas le moins érotique, est encore à venir: la relation « lesbienne » et un chouïa SM entre Gisèle et Béatrice va bientôt se transformer en une formidable histoire d’amour. Car Gisèle et Béatrice est avant tout une émouvante comédie romantique, certes tout en courbes.

Erotique et féministe

Gisèle et Béatrice: Feroumont remet de l'amour dans le porno

« Je suis comme la plupart des dessinateurs, de temps en temps, je me fends d’un dessin érotique », explique l’auteur bruxellois dans les quelques notes qui referment cet étonnant one-shot. Une récréation purement privée, jusqu’au jour où il entend à la radio une sexologue canadienne lancer un appel aux artistes:

« Ne laissez pas la sexualité aux pornographes, emparez-vous de l’érotisme et représentez-le! » « Cet appel me touche. Je vais sortir mes dessins de leur boîte et m’occuper de ce domaine. Et c’est un domaine où l’amour n’est pas roi. C’est le moins que l’on puisse dire quand on regarde de près le gigantesque bouillon de la pornographie dessinée. Le sordide côtoie le sublime. »

De fait, si Benoît Feroumont n’est pas le premier auteur « installé » à s’offrir une escapade dans la BD érotique, voire porno -les Requins Marteaux accueillent ainsi dans leur collection BDCUL des auteurs comme Bastien Vivès, Nine Antico et bientôt Anouk Ricard qui vient de finir les planches de son porno animalier-, il est le premier à y faire ainsi côtoyer masturbation, émotion et réflexion, le tout avec beaucoup de grâce et de féminité, pour ne pas dire de féminisme.

Et en ne perdant rien de ce qui a fait l’identité de son univers, du Royaume à ses films d’animation: une légèreté, un humour et une virtuosité graphique proches de Pixar, et immédiatement sympathiques. Son dessin tout en rondeurs et mouvements se prête ainsi magnifiquement à l’érotisme. Qu’il n’hésite surtout pas à remettre ça.

  • Gisèle et Béatrice, de Benoît Feroumont, éditions Dupuis, 126 pages.

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