Drogue, sex, money: 40 ans d’histoire des gangs à Paris (photos)

Laurent Raphaël
Laurent Raphaël Rédacteur en chef Focus

Ils font régulièrement parler d’eux à la rubrique des faits divers. Bagarres, règlements de compte, viols, trafics de stupéfiants, racket, détention d’armes, voire meurtre, les gangs ne font pas dans la dentelle et les bisounours. De Los Angeles à Moscou en passant par San Salvador, ils véhiculent un imaginaire vénéneux et électrique fait de violence, de liens fraternels et de fierté généreusement arrosé de musique, du rockabilly au rap. Paris n’est pas la dernière sur la liste des villes gangrénées par les « associations de malfaiteurs ». « Paris a toujours été la capitale des mauvais garçons », écrit Kizo, ex-Mafia Z repenti, dans l’intro de Gangs Story, livre somme qu’il cosigne avec le photographe Yan Morvan. Et le duo de nous raconter en images et en mots 40 ans d’histoire des gangs dans la ville lumière, avec ses changements de règne, ses légendes, ses mythes.

Au-delà de l’attrait-répulsion que suscite cet étalage de tatouages, de muscles, de looks carnassiers et de morgues provocatrices, c’est là une formidable radioscopie d’un phénomène qui, pour effrayant qu’il soit, n’en trouve pas moins sa raison d’être dans le terreau socio-politique de chaque époque. Les premières manifestations remontent aux blousons noirs, importés comme la musique qu’ils écoutent (Elvis, Eddie Cochran…) des Etats-Unis à la fin des années 60. « Vivre vite, mourir jeune, faire un beau cadavre » est leur devise. Issus des classes laborieuses, ils s’amusent à effrayer le bourgeois, seul moyen d’obtenir son respect. Au gré des vagues migratoires et des enjeux politiques, on verra ensuite le flambeau des caïds du bitume passer des Hells Angels aux Skinheads, pro et anti-fascistes, bientôt débordés par les bandes blacks (Black Dragons en tête), nées au départ pour se défendre. Loin de l’esprit libertaire originel, les gangs d’aujourd’hui, retranchés dans leurs quartiers, se sont convertis à la sainte trinité territoire-drogue-argent.

Les 220 photos en immersion de Yan Morvan, photographe de guerre par ailleurs, transpirent une crudité blafarde à la Nan Goldin. Sous son objectif naturaliste défile une armée des ombres qui a trouvé dans le groupe et la violence un ferment identitaire, sinon une famille de substitution. Dans le lot, on reconnaîtra même quelques futures « stars », comme Doc Gyneco, MC Jean Gabin ou… Guy Georges, tueur en série qui hantait les squats avec ses potes d’infortune dans les années 90. Les gangs ont aussi leurs brebis galeuses…

GANGS STORY (****), DE YAN MORVAN ET KIZO, ÉDITIONS LA MANUFACTURE DE LIVRES, 288 PAGES.

Laurent Raphaël

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