Critique | Livres

[Critique livre] Ma part de Gaulois, de Magyd Cherfi

Fabrice Delmeire Journaliste

Enfant, Magyd se consacre à l’écriture. Un événement pour ce fils d’immigré algérien qui grandit rue Raphaël, dans les quartiers nord de Toulouse: pas tout à fait la France de l’égalité des droits…

Encore vert, le petit Beur joue le scribe pour les lettres au bled, les formulaires à remplir et les poèmes qui incendient les filles. « C’est plus tard qu’elles ont préféré les tartes dans la gueule à un poème d’Eluard. » Rêvant d’oser ouvrir un livre en public, Magyd croque en verbe les mecs de la cité, lesquels lui retournent le compliment et la bouche à coups de savate. « Parle bien ta race », qu’ils disaient. Mais Magyd tient bon, muscle son écriture, répond « éventuellement » -premier adverbe prononcé dans la cité. Avec Samir, Jaurès des banlieues, et Momo en Raimu multicolore, le futur chanteur de Zebda se rêve en Hugo des prolétaires, fonde un atelier théâtre, crée une association pour le soutien scolaire. Accumulant les saynètes où chaque bouche qui s’ouvre est un roman de Zola, l’animateur de quartier cherche à récupérer sa part de Gaulois. « L’extravagance quand on nous a annoncé tout de go que nos ancêtres étaient gaulois. Le croirez-vous? On a aimé! On a pas détesté ce conte de fées. » En écoutant Ferré, Brassens et le silence camper les humbles avant-gardistes d’un métissage imminent. Et pourquoi pas décrocher ce Graal qui fait tant rêver une mère aimante et protectrice: le baccalauréat? « Une anecdote pour les Blancs, un exploit pour l’indigène. » Au travers d’un récit autobiographique touchant, grave mais toujours ragaillardi par l’humour, Cherfi retrace et fait bouger les lignes du désordre des identités.

DE MAGYD CHERFI, ÉDITIONS ACTES SUD, 260 PAGES. ***(*)

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