Contre le sexisme littéraire, les plumes travesties

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Flora Eveno Stagiaire

Les femmes écrivaines ont souvent du user de stratagèmes pour que leur prose soit reconnue. De Charlotte Brontë à George Sand, en passant par J.K. Rowling, de nombreuses auteures ont adopté un nom de plume masculin.

« Le monde littéraire n’est pas fait pour les femmes« . Voilà ce que Robert Southey a répondu à la réception d’un manuscrit de l’écrivaine Charlotte Brontë. A l’époque, dans les années 1840, l’accès aux arts nobles pour les femmes était difficile. Alors, au lieu de combattre ce que l’on peut appeler du sexisme littéraire, certaines ont contourné le problème en adoptant un pseudonyme masculin. C’est le cas de Charlotte Brontë, l’auteure de Jane Eyre qui devint Currer Bell sur le papier. Ses soeurs, Emily et Anne, choisirent aussi de se faire publier sous des noms masculins. Auparavant, une femme écrivaine monument de la littérature, avait usé d’une autre technique pour être publiée: Jane Austen écrivait anonymement. Sous la signature « A lady », l’auteure de Pride and Prejudice fut tout de même une des premières à assumer sa féminité et reçut d’ailleurs des critiques favorables de ses contemporains.

Jane Austen (1775-1817)
Jane Austen (1775-1817)©  »Portrait Gallery of Eminent Men and Women with Biographies »

Ce qui n’était qu’un fait marginal est devenu un vrai phénomène au 19e siècle. De nombreuses femmes s’emparent de la plume et apparaissent sous des pseudonymes masculins comme George Sand, Daniel Lesueur ou George Eliot. George Sand, Amantine Aurore Lucile Dupin au civil, est une des écrivaines françaises les plus reconnues de son temps, mais qui n’a jamais pu signer de son nom. Comme elle s’habillait à la mode masculine, le travestissement de George Sand était vu comme une excentricité. Mais le fait est qu’elle n’aurait jamais pu signer une de ses oeuvres sous un nom féminin. Tout comme Jeanne Loiseau qui sera la première femme récompensée par l’Académie française pour Fleur d’avril, sous le nom Daniel Lesueur. Elle se verra décerner la Légion d’honneur en 1900. Elle commencera alors l’écriture d’un ouvrage sur la condition de la femme, contribuant à une meilleure acceptation des femmes dans le monde littéraire.

Aujourd’hui encore, les femmes écrivaines doivent se battre contre le sexisme du milieu littéraire. Rappelons qu’il a fallu attendre 1980 pour élire la première femme à l’Académie française, Marguerite Yourcenar. En 2011, The New York Review of Books comptait 71 écrivaines contre 293 écrivains. Un exemple marquant du sexisme encore présent. Lorsque Joanne Rowling a du publier son premier manuscrit de Harry Potter, son éditeur lui a demandé de mettre des initiales pour devenir J.K. Rowling. Elle a accepté, car elle voulait que le livre soit publié. Et c’est le cas de beaucoup de femmes (le prénom d’Erika James, auteur de Fifty Shades of Grey a été gommé pour devenir E.L. James). J.K. Rowling s’était même fait appelé Robert Galbraith pour The Cuckoo’s Calling. Preuve que les lignes ne bougent que peu dans les lettres. « Je n’aurai jamais pensé qu’une femme pouvait écrire ça » lui a dit son éditeur après avoir découvert son identité.

J.K.Rowling, à un séance de dédicace en 2003.
J.K.Rowling, à un séance de dédicace en 2003.© REUTERS

(Source: Mashable)

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