Critique | Livres

Chronique BD: Reiser

Laurent Raphaël
Laurent Raphaël Rédacteur en chef Focus

HUMOUR | Ceux qui l’ont connu il y a 30 ans, avant qu’il ne casse sa Gitane à un âge indécent (42 piges à peine), ne s’en sont jamais remis.

Chronique BD: Reiser

Que ce soit dans Hara-Kiri, le journal « bête et méchant » de la bande à Choron, ou dans la prestigieuse cathédrale du Monde où il faisait un peu tache, Reiser le magnifique a régalé les lecteurs de ses dessins à l’humour ravageur. Contestataire dans l’âme, cet autodidacte extralucide s’est amusé à dépiauter cette soi-disant « époque formidable », les années 60 à 80, avec une gouaille déculottée (au sens premier le plus souvent) et un talent pour la provoc comme on n’en fait plus depuis belle lurette.

Ses clients préférés? Les chiards, les mégères, les alcoolos, les ratés, les racistes, les lâches, les cafards, les rapaces, les voleurs, les menteurs… Autrement dit, tous ceux qui zonent dans les bas-fonds, amollis par « la pornographie, l’alcool et la bouffe ». Ce qui lui fait un point commun avec Céline, dont il partage également les accents faubouriens et le désenchantement inspiré par la condition inhumaine.

« Je dessine le pire parce que j’aime le beau », disait ce Coluche de la BD remis au goût du jour à la faveur d’une monographie sentant bon la liberté. L’occasion de s’en payer une nouvelle tranche bien juteuse. Et pour les plus jeunes, de faire des yeux ronds devant les blagues salaces du Gros Dégueulasse, son personnage fétiche, qui promenait sa beaufitude, ses couilles en liberté et son slip pas net dans les coulisses d’une société vendue au fric et/ou à la connerie.

A (re)voir ces planches tantôt graves, tantôt graveleuses, mais toujours hilarantes et nimbées de tristesse, on mesure combien Reiser a été un visionnaire. Les excès du capitalisme, l’écologie, le marketing politique, l’avilissement des masses étaient déjà au programme de ce ramoneur des bonnes consciences qui appelait un chat un chat (une chatte une chatte aussi d’ailleurs). Un franc-tireur chez qui le sexe était le condiment d’un message plus profond, souvent social, distillé avec ce ton flingueur et ce trait sauvage un peu cracra qui ne passeraient plus aujourd’hui. Respect éternel.

  • DE JEAN-MARC PARISIS ET REISER, ÉDITIONS GLÉNAT, 312 PAGES.

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