Critique | Livres

Bitch Planet, la revanche des auteures de comics

© Glénat
Olivier Van Vaerenbergh
Olivier Van Vaerenbergh Journaliste livres & BD

COMICS | Les auteures trouvent enfin leur place dans le comics US: le premier tome de Bitch Planet, entre autres, déploie un féminisme bad ass qui rafraîchit le genre.

C’est quoi, « une vraie femme »? La question, lourdingue si elle sortait de la bouche d’un homme, devient soudain militante quand elle barre la couverture de Bitch Planet, nouveau comics indé édité dans l’ambitieuse collection lancée par Glénat il y a maintenant près de deux ans: « Seule une vraie femme peut survivre à Bitch Planet! » Or, Bitch Planet, le petit nom que l’on donne à l’Établissement auxiliaire de conformité, est une prison high-tech et en orbite réservée aux femmes dites « non conformes ». Et dans ce futur proche et cauchemardesque où le patriarcat et le machisme gouvernent plus que jamais le monde, une femme non conforme est tout simplement une femme qui ne se plie pas aveuglément à leurs diktats. C’est dire s’il y a du monde sur Bitch Planet, où la révolte gronde…. On ne sait si Beyoncé lit des comics et des BD, mais on conseille à Jay Z de lui offrir celle-ci, qui a vraiment tout pour lui plaire: une ambiance « blaxploitation » remise au goût du jour et un féminisme bad ass revendiqué par sa scénariste Kelly Sue DeConnick, en train de faire son trou dans le monde jusqu’ici mucho macho de la BD américaine et récemment nominée aux Eisner Awards pour sa série Pretty Deadly. Et depuis Bitch Planet, les lectrices seraient nombreuses à se faire tatouer le logo NC, comme non conforme, qu’affichent les rebelles de ce comics sexy, violent et féministe -un féminisme de combat, très US, donc charnu.

Ladies et tueuses

Bitch Planet, la revanche des auteures de comics

Kelly Sue DeConnick n’est en réalité qu’une auteure parmi d’autres, mais de plus en plus nombreuses à avoir fait du comics de studio un véritable métier, que ce soit au dessin ou à l’écriture. Une féminisation du métier, parallèle à celle du lectorat, qui influence naturellement les (super)héros qu’on y croise et le contenu même des albums. Ainsi ce bien nommé Bitch Planet qui n’est que le sommet d’un iceberg bien plus vaste: toujours chez Glénat paraît ce mois-ci le premier tome d’une nouvelle série, Lady Killer, elle aussi scénarisée et dessinée par une auteure, Joëlle Jones. On y découvre, dans une Amérique des fifties proche de Mad Men et donc ultrapatriarcale, le personnage de Josie, une desperate housewife typique, mère de deux petites filles et épouse parfaite d’un mari très absent, mais également tueuse à gages redoutable et redoutée qui n’hésite pas à user d’une violence parfois très frontale. Cette femme au foyer d’un genre nouveau est le seul cliché dévoyé de ce comics par ailleurs relativement classique, mais il permet à lui seul d’en rafraîchir considérablement le fond. Que les mecs fans de comics se le disent: ils n’en ont plus l’exclusivité.

BITCH PLANET (T.1) – EXTRAORDINARY MACHINE, DE KELLY SUE DECONNICK ET VALENTINE DE LANDRO. ÉDITIONS GLÉNAT COMICS. 176 PAGES.

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