Critique | Livres

Bicycle 3000

Laurent Raphaël
Laurent Raphaël Rédacteur en chef Focus

POLAR | Depuis quelques années maintenant, le cinéma coréen s’est fait une place au soleil. Son atmosphère étrange, borderline, on la retrouve dans l’album de O Se Hyung que l’éditeur présente comme l’étoile montante de la BD sud-coréenne.

DE O SE HYUNG, ÉDITIONS KANA (COLLECTION MADE IN), 182 PAGES. ***

POLAR | Depuis quelques années maintenant, le cinéma coréen (sous-entendu: du sud, celui du nord, pour autant qu’il existe, devant ressembler à un long catalogue indigeste de propagande) s’est fait une place au soleil dans les festivals et dans le coeur des cinéphiles du monde entier. Park Chan-Wook (Old Boy), Na Hong-jin (The Chaser) ou encore Bong Jon-ho (Memories of Murder) nous ont familiarisés avec ces récits sombres, tortueux et en même temps teintés de poésie qui trouvent dans le polar métaphysique et contemplatif un terrain marécageux propice. Cette atmosphère étrange, borderline, on la retrouve dans l’album de O Se Hyung que l’éditeur présente comme l’étoile montante de la BD sud-coréenne. Inspiré d’un fait divers réel, Bicycle 3000 se déroule aux environs d’un village perdu dans la campagne. Un jeune homme qui n’a pas toute la lumière est accusé d’avoir assassiné les parents et le frère d’une adolescente puis de l’avoir kidnappée avec son vélo. La victime n’a pourtant pas l’air traumatisée, plutôt absente, et indifférente aux oeillades désespérées que lui lance le bourreau présumé. Que s’est-il réellement passé? On va le découvrir au fil de flash-backs nous faisant revivre la semaine précédant le drame. Assez pour cerner les personnalités des deux protagonistes, l’un et l’autre allégeant leur fardeau, la solitude et le retard mental pour lui, un lourd secret domestique pour elle, dans une relation d’amitié intense et sans nuage. Peu de mots, un mélange d’insouciance et de violence sourde, d’innocence et de douleur enfouie. La poésie des planches délavées ajoute encore au malaise. Un voile de tulle semble recouvrir le paysage, faisant parfois planer le doute sur le sens de certaines scènes sordides. Même si O Se Hyung n’atteint pas le point d’ébullition de ses camarades, l’intensité se diluant quelque peu dans cet esthétisme vaporeux, il démontre qu’il existe encore des zones vierges à explorer sur la cartographie de la bande dessinée.

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