BD made in Cuba

C’est une belle aventure, autant humaine que graphique, qui s’expose en ce moment au Centre belge de la bande dessinée, ou que l’on peut s’offrir grâce à la Maison Autrique.

Depuis 2009, l’auteur belge Etienne Schréder organise, avec le soutien de l’ambassade belge à Cuba, des formations à la bande dessinée, un média qui avait pratiquement disparu de l’île avec l’effondrement du bloc soviétique et l’embargo international qui la frappe encore. A peine y trouvait-on encore quelques BD de propagande à la gloire du Che ou de Fidel, là où, 30 ans plus tôt, des auteurs comme Sampayo, Breccia ou Muñoz étaient régulièrement édités. Deux albums collectifs, en espagnol, furent réalisés au terme de ce laboratoire de création et de production de BD cubaine baptisé Laboratorio: Cronicas Urbanas en 2010, puis Sonar La Habana, en 2014.

L’album Habana regroupe désormais, en français ou en néerlandais, le meilleur de ces deux albums, soit 18 auteurs et 13 histoires courtes centrées sur La Havane. Des planches et des auteurs qui défient donc toutes les influences, souvent très éloignées des canons franco-belges, et dont les techniques trahissent l’embargo commercial qui les frappe: papier de réemploi, encres diluées, plumes et crayons glanés en fonction des approvisionnements… Il y a là des autodidactes, des étudiants en art et même quelques illustrateurs qui travaillaient déjà pour de rares éditions locales: une palette extrêmement large, mais révélatrice de nombreux talents cubains, lesquels commencent à s’exporter -ou à prendre le chemin de l’exil, pas mal de Cubains craignant que le récent dégel avec les Etats-Unis ne durcisse paradoxalement les règles pour s’y installer. Habana n’est d’ailleurs qu’une étape: Etienne Schréder, qui a mis sur pied un laboratoire équivalent en Algérie, compte bien poursuivre l’aventure et produire d’autres albums collectifs.