Critique | Livres

BD: Le manuel des sauvages

Le Temps des sauvages © Futuropolis
Olivier Van Vaerenbergh
Olivier Van Vaerenbergh Journaliste livres & BD

ONE-SHOT | Sébastien Goethals s’empare du roman de Thomas Gunzig avec rythme, brio et violence. Une adaptation dont la réussite doit beaucoup à sa totale liberté.

Thomas Gunzig, l’auteur bruxellois du Manuel de survie à l’usage des incapables,et Sébastien Goethals, le dessinateur et auteur toulousain du Temps des sauvages, se sont parlé à trois reprises. « La première fois il y a trois ans à Bruxelles, pour se mettre d’accord sur le principe d’une adaptation. La deuxième, par téléphone, à la fin. Et la troisième, c’était hier », nous expliquait récemment le duo, alors en pleine promotion. Une distance qui se retrouve jusque dans le titre, différent entre l’original et son adaptation -qui n’est donc pas une copie. « Mais il a eu bien raison d’en changer, explique Thomas, il est bien meilleur que le mien, d’ailleurs c’est la seule chose que je regrette un peu dans mon roman, il était peut-être trop ironique. » « J’ai gardé la symbolique, confirme Sébastien, mais je voulais effectivement un titre moins ironique, comme mon récit. Plus tendu. »

Un récit plus tendu donc, mais dont le sillon principal reste semblable: dans un futur proche où la manipulation des codes génétiques est devenue commune, un gardien de supermarché doit renvoyer une vieille caissière peu rentable, la piège puis la tue accidentellement. Une mort que ses quatre enfants, des hommes-loups baptisés Gris, Blanc, Brun et Noir, sont bien décidés à venger, en tuant et en mangeant le responsable -parce que c’est ce qu’ils font, ce sont des loups. S’engage alors une folle course-poursuite au cours de laquelle son épouse au sang de reptile et une responsable DRH au sang de loutre vont jouer un rôle majeur pour illustrer cette nouvelle fable: l’homme est un loup pour le loup. Un « pitch » qui donne, en roman, une fable ironique et mordante sur le monde des grandes surfaces où la drôlerie masque à peine le désespoir, et en bande dessinée, un polar brutal et réaliste, malgré la bestialité de ses personnages principaux.

Vision d’auteur

« Je touche moi-même à beaucoup de médias, explique encore Thomas Gunzig, mais j’ai toujours pensé qu’une adaptation était possible uniquement si l’adaptateur avait la plus grande liberté possible. Et ici, face à moi, j’avais quelqu’un de sincère avec une vision d’auteur, pas d’éditeur. J’avais aussi confiance pour une raison moins avouable: j’étais relativement sûr de mon roman. » Sébastien Goethals confirme: « J’ai lu son livre pour me distraire, mais j’y ai trouvé toute la matière qu’il y avait dans mon propre univers, il faisait la synthèse de beaucoup de mes envies. Ça correspondait, aussi, à des choses que j’avais envie de raconter à 40 ans plutôt qu’à 20, quand on a un peu de vécu. » Un vécu de dessinateur de polars et de récits plus mainstream, qui fait soudain merveille dans cette adaptation pleine de rythme, de ciné-génie et d’atmosphères, et au final très personnelle.

LE TEMPS DES SAUVAGES, DE SÉBASTIEN GOETHALS, D’APRÈS THOMAS GUNZIG, ÉDITIONS FUTUROPOLIS, 272 PAGES. ****

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