Basti DRK et 64_page au CBBD: les jeunes illustrateurs côtoient la vieille garde

Une vingtaine de jeunes sont exposés au CBBD. Une première pour beaucoup d'entre eux. © Fanny Betermier
Fanny Betermier Stagiaire

Issu de la revue qui met en avant les nouveaux talents du roman graphique, le jeune Carolo d’adoption revient pour nous sur son parcours et ses projets alors qu’il est exposé au Centre Belge de la Bande Dessinée dans 64_page, la suite.

Lorsque les quatre fondateurs de la revue 64_page se décident à mettre leur projet sur pied en seulement 3 mois à l’été 2014, ils savent qu’ils se lancent un pari un peu fou. Deux ans, huit numéros, 35 jeunes talents et deux expositions plus tard, la revue-tremplin s’est rependue dans les écoles, les salons et les musées, forte de son projet original: donner une place aux jeunes artistes dans un milieu où les grands classiques se font la part belle. Avec sa remarquable qualité graphique et sa volonté de présenter des techniques innovantes, des points de vue originaux et des auteurs sans cesse en recherche de nouveaux styles, nul doute que la revue a encore de beaux numéros et expositions devant elle.

Autoportrait à la tablette graphique.
Autoportrait à la tablette graphique.© Basti DRK

Comme beaucoup de ses camarades de la revue 64_page, Basti DRK est bien jeune pour son parcours. Deux ans après avoir débuté une formation de tatoueur, il quitte à 19 ans sa France natale, sa famille et ses amis, pour la Belgique, où il intègre l’Académie des Beaux-Arts de Châtelet, section Bande dessinée/Illustration. Inspiré des traits du tatouage classique, de la mélancolie des paysages du Pays Noir et des dessins animés de son enfance, ce jeune homme de 24 ans se lance en toute délicatesse dans le grand monde de la BD. Publié dans le septième numéro de la revue et bien placé dans l’exposition 64_page, la suite, Le Petit Ciré Jaune raconte l’aventure d’une petite fille fugitive au regard fatigué qui se démène pour rendre leur liberté à des poissons rouges. Une histoire pour les petits et les grands, même si ces derniers y trouveront un message plus profond sur le rapport qu’entretien l’homme avec les animaux.

Comment vous êtes-vous retrouvé dans 64_page?

Il y a un professeur vraiment génial à l’académie. Il nous fait découvrir beaucoup de techniques différentes, notamment la linogravure qui m’a beaucoup plu. Quand j’ai eu fini Le Petit Ciré Jaune, j’ai eu une sorte de baby blues, je ne trouvais pas mon travail très bon. Il a d’abord insisté pour que je l’envoie à la revue, plus il a envoyé les planches lui-même. Combien de professeurs font ça pour leurs élèves? J’avais entendu parler de la revue parce qu’on en a des exemplaires à l’atelier mais je n’aime pas me vendre. J’aimerais bien, mais aller trouver des gens et trapper mon travail sur la table, c’est pas mon truc, je ne suis pas assez sûr de la qualité de mes dessins. C’est quelque chose qu’on nous apprend en collaborant avec 64_page. Dans la revue, je suis publié avec des artistes qui, je trouve, sont vraiment talentueux, alors je me dis que j’y ai peut-être aussi ma place.

Planche du
Planche du « Petit Ciré Jaune » exposée au CBBD.© Basti DRK

C’est la première fois que vous êtes exposé en dehors de l’académie. Qu’est-ce que ça fait de l’être au Centre Belge de la Bande Dessinée(CBBD)?

C’est super! En plus c’est vraiment un lieu magnifique et l’exposition avant nous c’était Frank Pé, c’est incroyable! Hier j’ai vu des gens qui qui visitaient l’exposition et qui étaient intéressés par ma planche, ça fait quelque chose.

Est-ce que le CBBD n’est pas considéré comme trop classique par les jeunes dessinateurs?

Il ne faut pas renier la BD classique. Je ne suis pas un grand lecteur de ces BD moi-même mais c’est quand même les bases de la discipline, on a besoin de les ouvrir pour s’en servir et s’en inspirer. C’est vrai que ça reste assez classique mais ce qui est bien, c’est que c’est un endroit où tout le monde peut venir et découvrir la bande dessinée. 64_page a bien fait d’organiser l’exposition ici, ça fait un beau mélange d’ancien et de nouveau.

Vous avez été publié assez récemment dans 64_page, qu’est-ce que ça vous apporte comme sentiment et comme retombées?

Pour l’instant il n’y a pas vraiment de retombées par rapport à la publication et à l’expo. C’est surtout une grande fierté pour ma famille et mes proches. Et puis me dire que des gens ont vu mes dessins au CBBD ou dans la revue c’est plaisant. Bien sûr j’aimerais bien me dire que demain une maison d’édition m’appellera pour me dire qu’ils ont vu ce que je fais et qu’ils veulent me publier mais je crois que c’est un peu optimiste. Maintenant pour se mettre en avant il faut faire des dossiers et démarcher soi-même, avoir du bagou, être culotté et être à l’aise avec ce qu’on fait et avec soi-même.

Les projets comme celui de la revue sont nécessaires aujourd’hui pour faire émerger les jeunes?

Oui c’est nécessaire! Si les illustrateurs avaient des CV, je mettrais sans hésiter la revue et l’expo dessus. D’ailleurs quand j’irai démarcher les maisons d’éditions, je prendrais 64_page avec moi. C’est déjà une expérience professionnelle, ça me permet de montrer que je ne suis pas un amateur. Je suis très reconnaissant. Les jeunes ont besoin d’être aidés et accompagnés comme ça. Maintenant il y a aussi des concours, comme celui du festival d’Angoulême, qui peuvent servir de tremplin. Il y a de la place pour les nouveaux artistes mais il ne faut pas se laisser bouffer par les anciens.

Un des nombreux dessins à l'encre de la série inktober.
Un des nombreux dessins à l’encre de la série inktober.© Basti DRK

Vous avez une formation de tatoueur, qu’est-ce qui vous a décidé à illustrer du papier plutôt que des gens?

Tatoueur c’est un métier psychologiquement épuisant. On pique des inconnus, on les fait saigner, on entre dans leur intimité et certains ont des histoires assez difficiles. Il faut savoir parler avec les gens. D’un autre côté les mecs imposants type « bikers » règnent toujours sur le milieu. C’est un vieux stéréotype mais c’est vrai. Moi je ne sentais pas que j’avais les épaules faites pour ça.

Vous préférez travailler sur papier avec des crayons, des encres ou même faire de la sérigraphie et de la linogravure. Est-ce que ce n’est pas nécessaire de travailler en numérique aujourd’hui pour les illustrateurs et dessinateurs?

Selon moi, c’est surtout une question de rentabilité. Ça permet de pouvoir enchaîner les planches et les commandes. Il faut pouvoir le faire pour envoyer ses projets ou être publié en bonne qualité. Je sais le faire mais ça ne m’amuse pas. J’aime découvrir de nouvelles techniques, travailler avec différents outils. Cet été j’ai essayé de m’entrainer à utiliser Photoshop en faisant un dessin par jour avec un thème. Je l’ai fait mais ce ne sont pas des dessins que j’aurais envie de montrer ou d’exposer.

Tote bag réalisé en sérigraphie à partir d'une linogravure.
Tote bag réalisé en sérigraphie à partir d’une linogravure.© Basti DRK

Vous avez déjà publié un recueil illustré, Dans nos filets, puis il y a eu la revue et maintenant l’expo. Vous avez d’autres projets pour la suite?

Dans nos filets était un projet avec un ami de l’académie. Le but n’était pas de le publier mais c’est fait. Ce genre de collaboration pourrait se reproduire: à l’académie, il y a beaucoup d’artistes avec des genres très variés. J’aime beaucoup travailler avec des gens aux styles différents mais qui se combinent pour devenir complémentaires. Mais l’auto édition n’est pas facile, c’est beaucoup de travail de mise en page et on n’est pas des infographistes. S’il y a un autre projet dans le genre, on démarchera des maisons d’éditions. De mon côté, j’ai aussi une collection de tote bags que je faisais à la main avant, ce qui n’était vraiment pas rentable. Maintenant je les fais en linogravure. Récemment j’ai suivi un atelier bijouterie à l’académie. C’est pour ça aussi que j’aime découvrir de nouvelles techniques. Je veux dessiner mais je ne veux pas rester enfermé que dans la BD. Je veux m’amuser.

Les planches de Basti DRK et bien d’autres auteurs de la revue 64_page sont exposées à La Gallery du Centre Belge de la Bande Dessinée jusqu’au 23 octobre prochain.

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