Alexandre Pompidou, tranche de l’art

HUMOUR | Alexandre Pompidou sculpte de la viande, bien décidé à se faire une place dans le monde des plasticiens, et forcément, ça va saigner!

ALEXANDRE POMPIDOU, TOME 1: LARD MODERNE, DE WITKO, FRISSEN ET CORNETTE, ÉDITIONS DU LOMBARD. ***

Le monde des artistes est petit: Lady Gaga, au moment d’enfiler sa robe en steaks, ne savait sans doute pas qu’un trio d’auteurs franco-belges inventait un nouvel artiste contemporain, le bien nommé Alexandre Pompidou, lui aussi fasciné par la bidoche. Fascination héréditaire -papa et maman comptent sur lui pour reprendre la boucherie familiale- et de circonstance aussi: comment se démarquer dans le monde de l’art contemporain quand on sort frais émoulu de ses études artistiques? Peut-être en s’imposant comme le premier artiste de la barbaque, et en se faisant bien voir d’Adonias Solomon Aurochs-Lascaux, le galeriste de la ville qui fait et défait les carrières. Mais Alexandre est mal parti: il insulte sa fille, se fait mettre le grappin dessus par sa nymphomane d’épouse, quand il ne l’étouffe pas sous une carcasse de boeuf, et fout du sang partout. Mais rien n’arrêtera l’art du lard en marche: « Les beaux-arts, c’est mon territoire. Je suis un artiste et j’ai un diplôme qui le prouve! »

Jean-Luc Cornette et Jerry Frissen, scénaristes de cette ode à l’art et au cochon, possèdent eux aussi « la carte »: copains d’adolescence, sortis ensemble de Saint-Luc, ils ont naturellement puisé dans leurs propres souvenirs pour inventer Alexandre et son monde. Une idée qui remonte à quinze ans, à leur sortie, comme lui, des études. « On avait écrit une série de gags sur un gars qui sortait d’une école d’art et qui voulait être artiste, raconte Jean-Luc Cornette autour d’une assiette, même pas de charcuterie. Il s’appelait Alexandre Vindevogel, mais personne n’en a voulu. Au hasard de nos discussions par Skype (Jerry Frissen s’est installé à Los Angeles, ndlr), on a repris le principe, avec une intention: faire une BD d’humour où tout sente le « vrai ». Quelque chose de débile, mais crédible! »

Viande froide

Et effectivement, tout y est, derrière le rire: la naïveté et les certitudes des jeunes diplômés, les petits fours des vernissages, le pouvoir des galeristes, l’embourgeoisement du tout… Jean-Luc Cornette se défend pourtant d’y tenir un discours, ou pire, une dénonciation de ce monde-là: « Alexandre est tout à fait sincère dans ses démarches, on ne se moque jamais de lui, on l’aime bien. Il ne s’agit pas non plus de remettre en question l’art contemporain, où tout a été fait de toute façon, même en viande si on cherche un peu. On s’amuse juste avec ses travers: dans le prochain volume, Alexandre montera à Paris, où il sera pris pour un faussaire… »

Soutenu par le dessin lui aussi difficile à classer du Bordelais Witko, plus lisible pour l’occasion que lors de ses travaux expérimentaux chez les Requins Marteaux, le duo de scénaristes s’amuse et renoue en réalité avec ses premières amours: au sortir des études, leur première réalisation commune fut un livre de… photos, baptisé Meurtres, dans lequel ils zigouillaient moult célébrités. De la viande froide mais drôle, encore.

Olivier Van Vaerenbergh

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