Serge Coosemans

Burkini, Pokémons et autres grosses foutaises de cet abominable été 2016

Serge Coosemans Chroniqueur

Voilà Serge Coosemans et son Crash-Test hebdomadaire reconduits pour une deuxième saison. Au menu de cette édition 2016-2017: pop-culture, web-phénomènes, sociologie de comptoir et carambolages. Mais d’abord, régler leurs comptes aux grosses foutaises de cet été 2016. Crash Test S02E01, it’s clobberin’ time again.

Les Pokémons

Vu que je suis né en 1969 et pas trop geek, les Pokémons, apparus en 1995, ça n’a jamais été de mon âge. Rockstar Games, GTA, Vice City et Manhunt, oui, en plus de Doom, et j’y ai joué jusqu’à saigner du nez. Des nuits entières à buter du gardien de la paix, du sauvageon à capuche, des dégénérés des bois avec des tronçonneuses, du maffieux, du militaire, de la vieille dame, du touriste, du handicapé, de l’enfant, de la prostituée, des animaux, du démon. Ce qui est très relaxant. Avant de moufter, ceux qui critiquent devraient essayer. Au plus gore, au mieux. Pour moi, du moins, qui pense que même le Scrabble, c’est plus rigolo quand il est exigé du perdant qu’il mange ses lettres. Forcément, vous m’avez donc tous bien fait rire, et puis bien soupirer aussi, avec vos « pour » ou « contre » les Pokémons durant tout l’été. Car ce n’est là qu’un jeu gnangnan, pour enfants, demi-mongolitos, préposés à l’accueil chez Emakina et autres victimes de la mode. Or, dans quelques mois ou quelques années, on passera sans aucun doute à des choses bien plus sérieuses, cette technologie allant forcément être un jour adaptée à un jeu violent où le smartphone fera office d’arme de poing avec laquelle dégommer en pleine ville les autres joueurs, dont on verra de préférence sur son écran la tronche éclater en bonne grosse charpie. Le temps que ça arrive, ça non plus, ça ne sera sans doute plus de mon âge. Continuer de ricaner des éditos de vierges effarouchées professionnelles, de pères-la-morale mentalement coincés en 1952 et autres grands muftis de la pensée molle et coulante, par contre…

Le burkini

Tout ce délire autour du burkini m’a rappelé l’école secondaire, il y a 30 ans, quand notre cher préfet estampillé MR pur jus s’était mis dans la tête d’interdire les jeans troués dans son établissement, au motif que cela faisait « punk » et que pour lui, le punk était une idéologie dangereuse, nihiliste et, oui, fasciste. Évidemment, nous étions déjà proches de la fin des eighties, pas en 1977, et si certains d’entre nous entendaient bien rendre hommage avec leurs trous dans leurs frocs à Iggy Pop, Sid Vicious et l’un ou l’autre métalleux, la plupart le faisaient surtout parce que les grands de l’école le faisaient et puis aussi parce qu’à la télévision, Vanessa Paradis chantait Joe le taxi avec des trous dans son Chevignon. Autrement dit, ce bien cher préfet fut victime de ce que le sociologue Stanley Cohen appelle une « panique morale », habillant de ses propres fantasmes, de sa nostalgie de l’uniforme et de l’angoisse d’un monde qui évolue trop vite pour lui une mode à laquelle il ne comprenait rien, sans doute aussi parce qu’il n’y avait rien à y comprendre. Chacun avait en effet ses propres raisons de s’habiller comme ça, pas forcément réfléchies, pas forcément revendicatrices. Et je pense que c’est pareil pour le burkini, qui n’est islamiste et provocateur que si l’on a envie qu’il le soit. C’est évident: pas plus que le pantalon troué de Fabian Van De Pieperzeele en 1987 n’indiquait qu’il voulait passer le reste de sa vie à lire Mein Kampf et sniffer du Sassi, le burkini ne traduit une envie d’étrangler Christian Estrosi au nom d’Allah avec un chapelet de saucisses pur porc. Selon Stanley Cohen, « la panique morale est une réaction disproportionnée de certains groupes face à des pratiques culturelles ou personnelles, souvent minoritaires, jugées déviantes ou dangereuses pour la société. » Quand cela s’emballe vraiment, cela vire au délire, à la bonne vieille chasse aux sorcières, le tout entretenu par les médias, à cause de leur incompétence, de leurs propres bouffées délirantes ou par jeu éditorial et politique. Mais pour que cela s’emballe vraiment, a étudié Cohen, il faut surtout qu’existe la volonté de trouver un bouc émissaire à vos propres malheurs personnels, qu’ils soient réels ou fantasmés. Je n’ai rien d’autre à ajouter, Votre Honneur.

Les leçons de journalisme de Shane Smith

Shane Smith, le CEO de Vice a donné il y a quelques semaines une conférence à Edimbourg devant le soi-disant gratin du journalisme et des médias internationaux. Comme à son habitude, ce gros nigaud a surtout enfoncé quelques portes ouvertes, vendu beaucoup de vent et pas mal menti. « Ça va être un bain de sang dans le monde des médias », a-t-il annoncé en moderne Cassandre alors que cela ne fait jamais que 10 ans que l’on nage dedans. « Les millenials détectent le bullshit comme personne avant eux », a-t-il encore avancé alors que la critique principale de la génération Y est généralement qu’elle gobe tout et n’importe quoi, ne vérifie que rarement ses sources, s’arrête aux titres, retweete compulsivement et n’a de la réalité qu’une appréciation assez élastique. Smith encore: « Il faut donner le pouvoir aux jeunes journalistes », alors que son business-model a pourtant longtemps consisté à mal ou ne pas payer ses collaborateurs débutants et à leur laisser mettre en ligne les pures foutaises, les meilleurs sujets chez Vice ayant longtemps été réservés aux reporters confirmés et aux copains stars dont le nom ramène de l’audience, comme Johnny Knoxville. Bref, comme à son habitude, Vice vend beaucoup de vent avec énormément d’arrogance. Et en faisant tourner les articles résumant l’intervention de Smith à Edimbourg avec des petits coeurs, les jeunes intéressés par les médias, les futurs journalistes, prouvent par la même occasion que leurs détecteurs de bullshit n’auraient aucune chance au contrôle technique; vu qu’ils applaudissent là un véritable Madof culturel simplement parce qu’il leur promet un métier formidable. Mais sans vaseline.

André Brasseur

Un bouquin sur sa vie et son oeuvre, oui. Des rééditions, pourquoi pas. Des concerts, j’ai rien contre. Mais alors une couverture médias où l’on voudrait nous faire passer cet honnête saltimbanque qui est à Brian Auger et Joe Meek ce que Jérôme De Warzée est à Louis CK pour un génie oublié et visionnaire, non, vraiment non. Les bières payées par un bon attaché de presse ne devraient jamais mener à ce genre de révisionnisme culturel. Sauf chez Vice.

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