Myriam Leroy

Vieilles canailles

Myriam Leroy Journaliste, chroniqueuse, écrivain

L’émission de caméras cachées flamandes Benidorm Bastards a remporté un Emmy. Son affligeant concept a été racheté jusqu’aux États-Unis.

La chronique de Myriam Leroy

On l’a tous fait: gueuler une saloperie bien fort dans la rue pour voir la réaction des passants. On avait 15 ans. On a trouvé ça drôle 5 minutes. Et puis on est passé à autre chose. La chaîne flamande 2BE, elle, fait durer la plaisanterie depuis 2 saisons télé. Avec en prime, pour rendre les obscénités plus cocasses, un casting de petits vieux indignes. Benidorm Bastards (on notera l’absence totale de lien de ce programme de caméras cachées avec la station balnéaire baraki de la Costa blanca) a été mis à l’antenne en mars 2010 et engrange depuis d’énormes succès d’audience.

Tellement que, de l’autre côté de la frontière linguistique, RTL lui a racheté non pas le concept mais le programme original, l’agrémentant pour la peine d’un doublage en français exécuté par une bande de comédiens au rabais (avoir 26 ans et devoir imiter la voix chevrotante des seniors, c’est un rabais) et de quelques situations tournées en francophonie. Là aussi, la blague fonctionne pas mal auprès du public. Et puis, il y a quelques jours, la consécration suprême: les Vieilles Canailles de Benidorm remportent un Emmy Award, un Oscar de la télévision, la récompense la plus prestigieuse qui puisse exister dans le domaine lors d’une cérémonie destinée à consacrer les meilleures productions cathodiques internationales. Dans la catégorie best comedy, ce sont donc nos amis flamands qui ont raflé le trophée au nez et à la barbe d’émissions brésiliennes, singapouriennes et anglaises. A cette occasion, on a appris que le programme avait été vendu dans une dizaine de pays, jusqu’aux Etats-Unis via le réseau bulldozer NBC.

Rendez-vous à Groland

Un signal fort: la vulgarité est une valeur d’avenir. Car oui, c’est trivial, des personnes âgées qui beuglent qu’elles se sont fait défoncer la rondelle la veille sur un banc où de jeunes oreilles s’en offusquent ou en rient aux éclats, des 4 fois 20 qui sortent d’un buisson après un plan à 3 en public, une vieille qui tapine… C’est baraki comme Benidorm, gras et facile, en jouant simplement sur le décalage langage/comportement-âge (dans le même ordre d’idées, pourquoi ne pas mettre au point une émission où des gosses évoquent leurs cuites et leurs plans culs face à des adultes offusqués?).

Les petits vieux indignes vraiment drôles, ils sont dans Groland, où ils questionnent notre rapport à la vieillesse, dynamitent les conventions, fument, boivent et partouzent dans des saynètes hilarantes qui nous renvoient à nos propres comportements et attitudes. C’est trash mais pas prosaïque, bête et méchant mais pas idiot. Et toujours distancié, avec cette délicieuse touche de cynisme grolandais. L’almanach de Groland, qui sort ces jours-ci, nous rappelle utilement que ce 4e âge bien planqué loin des caméras a bel et bien l’intention d’en découdre avec ceux qui imaginent que le mieux ou le pire qu’il puisse faire, ce sont des caméras cachées où ils disent bite et nichon pour amuser la galerie…

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