Louis Danvers

Tête de boeuf (Rundskop) et têtes de cons (Wallons)

Louis Danvers Journaliste cinéma

Quelle mouche a donc piqué le réalisateur de Rundskop, Michaël R. Roskam, pour dépeindre les Wallons comme les derniers des abrutis. C’est trop caricatural, mais apparemment pas voulu.

Par Louis DANVERS

Les qualités cinématographiques du film Rundskop, la maîtrise formelle de Michaël R. Roskam, son art de donner une dimension quasiment « scorsésienne » à ses « mafieux des hormones » limbourgeois et flandriens, peuvent et doivent être admirés. D’autant que Rundskop est son premier long métrage…

Mais quelle mouche a piqué le réalisateur d’aborder l’ensemble des personnages wallons de son film de la plus caricaturale et dévalorisante des façons? Une fois franchie la frontière linguistique, on ne trouve plus que des imbéciles congénitaux ou des malfaisants, quand ce n’est pas les deux à la fois, comme ce gamin handicapé qui émascule le héros à coups de pierres. Quant aux femmes, elles sont plus bièss que possible… Certes les personnages flamands ne sont pas nécessairement flattés dans un film aux accents bien sombres, mais l’accumulation de poncifs négatifs et dégradants dans la peinture des Wallons n’apparaîtrait aucunement tolérable si on venait à leur substituer une autre « minorité » (arabe, juive, rom, par exemple).

Il nous revient de source sûre que le cinéaste n’a aucunement prémédité la chose. Il aurait voulu offrir au spectateur un peu de « comic relief », sans penser à mal. Et n’aurait pas vu à quel point ses acteurs francophones peu ou pas dirigés jouent (très) mal, accentuant l’effet de ridicule. Nous serions devant un cas de caricature inconsciente, mais reflétant le préjugé commun, comme le cinéma italien en infligea souvent aux personnages du sud du pays, ou le japonais aux personnages coréens.

C’est qu’on ne se connaît plus, de part et d’autre de la frontière linguistique. Matthias Schoenaerts, formidable acteur principal de Rundskop, est une star en Flandre, mais personne ne le connaît en Wallonie. Tout comme un Pirette, un Geluck, et jusqu’il y a peu un Poelvoorde, sont des inconnus pour le public flamand. Quand n’existe plus la curiosité de l’autre, le respect ne tarde pas à ficher le camp. C’est le cas dans Rundskop, même si beaucoup préfèrent ne pas le remarquer pour ne pas jeter d’huile sur le feu communautaire…

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