Laurent Raphaël

Télé, fin de règne

Laurent Raphaël Rédacteur en chef Focus

Après avoir presque rayé de la carte l’industrie musicale, la tornade numérique se déplace à présent sur les régions cathodiques.

L’édito de Laurent Raphaël

On a rangé les boules de Noël et sorti celle en cristal. C’est qu’on n’y voit plus très clair depuis quelque temps sur le front dépressionnaire de la télé. Après avoir presque rayé de la carte l’industrie musicale, la tornade numérique se déplace à présent sur les régions cathodiques. Première confidence arrachée au futur proche: les chaînes historiques auront beau se barricader derrière leurs programmes les plus putassiers, recycler les grosses ficelles de la télé-réalité jusqu’à lasser le plus baraki des barakis, ça va secouer! Pas besoin de recouper l’info auprès de Madame Soleil pour le coup, il suffit de regarder ce qui se passe aux Etats-Unis et dans le nord de l’Europe pour comprendre que le ciel est en train de tomber sur la tête des networks.

Comme pour la musique, le vent du changement souffle par la prise Internet. MySpace, YouTube, iTunes et la piraterie à grande échelle ont préparé le terrain et les mentalités, Spotify et Deezer ont ensuite achevé le travail de sape en proposant un modèle tout-en-un légal qui est au divertissement ce qu’Adrienne était à la gastronomie: on paie un droit d’entrée et on consomme à volonté jusqu’à se déchirer la panse ou les tympans. En télé, c’est le même scénario qui se dessine sous nos yeux. YouTube, les sites de partage, les web séries ont envoyé les premières giboulées. Mais c’est Netflix et ses challengers comme Hulu ou Amazon qui mettent aujourd’hui le feu aux institutions. Outre-Atlantique, cette plateforme de vidéo à la demande attire certains soirs 30% de l’audience Web! Contre 7,99 dollars par mois, le téléspectateur soft ou hardcore a accès à un catalogue sans fond de films et séries. Difficile de résister…

Une cotisation à prix démocratique contre un service unique de qualité, ça ne vous rappelle rien? Ne le dites pas trop fort mais ça sent presque le manifeste communiste… Si on regarde un peu plus loin sur le calendrier, que va-t-il se passer? La fiabilité des prévisions est plus faible mais on peut s’attendre à voir ces intermédiaires se lancer en masse dans la création de contenus originaux, à la fois pour concurrencer (enterrer?) les chaînes et les majors sur leur terrain mais aussi pour contrôler en direct toute la chaîne du divertissement, du producteur au consommateur. C’est dans cet esprit conquérant que s’inscrit le lancement de la première série télé de grande envergure produite par le site ricain de VOD, House of Cards, visible chez nous sur BeTV. Avec David Fincher à la manoeuvre et Kevin Spacey dans le rôle-titre de ce bal des vampires dans les coulisses du pouvoir, Netflix affiche d’emblée ses ambitions. Et assène un uppercut à un adversaire déjà à genoux.

Les digues cèdent, les eaux de la nouveauté emportent avec elles les anciens modèles. Comment les chaînes pourraient-elles éviter la noyade? En balançant leurs contenus inédits en ligne avant même la diffusion télé (c’est ce que fait la BBC). Mais à ce jeu-là, seuls les gros bras ou alors les petits bras hyper spécialisés s’en sortiront. Et l’amateur de films et d’émissions moins formatés, fâché depuis belle lurette avec la télé pop-corn, gagnera-t-il au change? Bizarrement, la boule reste muette sur ce point. Ce qui n’est pas très bon signe… Tout ça vous donne mal à la tête et l’envie de fuir loin du blizzard numérique? Ça tombe bien, la semaine prochaine, à l’occasion de la Foire du Livre, on vous emmène en voyage avec une nouvelle originale à la sauce polar (si, si, rien que pour Focus) de Douglas Kennedy, l’auteur à succès (public et critique) de La poursuite du bonheur ou de L’homme qui voulait vivre sa vie. Cultivez l’originalité, c’est pas sur Netflix ou Belgacom TV que vous verrez ça!

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