Laurent Raphaël

Sex machine

Laurent Raphaël Rédacteur en chef Focus

Si on n’a rien à dire, mieux vaut le dire les fesses à l’air, au moins ça rapportera, si pas le Goncourt, du moins un gros chèque.

L’édito de Laurent Raphaël

Rien de tel qu’une pincée de sexe pour saler la soupe. Une recette vieille comme le monde mais qui porte toujours ses fruits (défendus). Les banques peuvent bien s’écrouler, la Grèce renouer avec l’Antiquité, la croissance se faire la malle, le cul reste une valeur sûre. Deux sorties « littéraires » récentes font une fois de plus la démonstration que si on n’a rien à dire, mieux vaut le dire les fesses à l’air, au moins ça rapportera, si pas le Goncourt, du moins un gros chèque.

En mitonnant une bluette érotico-ménagère, la Britannique E.L. James a hissé sa prose polissonne au sommet des ventes (plus de 500.000 exemplaires en France, des millions dans le monde). Pas de quoi faire rougir une nonne pourtant. Son Cinquante nuances de grey n’arrive pas à la cheville de Sade mais l’emballement médiatique et l’étiquette sulfureuse « mommy porn » ont suffi à réveiller les fantasmes endormis pour cause de mariage longue durée des dames de bonne compagnie.

Voilà qui en dit plus long qu’un rapport Kinsey sur le niveau de satisfaction sexuel des couples… La nouvelle prêtresse des lettres SM, qui n’aurait pas fait tache chez Harlequin, ne s’est pas arrêtée à ce coup de (strip) poker. Puisque les femmes rangées semblent apprécier les plats romanesques épicés et riches en clichés, elle ne s’est pas fait prier pour doubler et même tripler la mise, les deux suites de son pensum libidineux rejoignant le premier tome sur la table de chevet des « MILF » et de leurs mères, lassées sans doute de se faire dorloter dans les bras trop sages de Levy et Musso. Trois coïts éditoriaux à la queue leu leu, belle performance!

A la différence de E.L. James, mariée, deux enfants et qui bossait gentiment jusque-là dans la télé, Marcela Iacub bénéficiait d’une « sex credibility » dans les milieux intellos de gauche, elle qui aimait brouiller les cartes de la normalité avec des textes, dans Libé notamment, débusquant les petites hypocrisies cachées derrière le rideau de la morale. Notamment sur la prostitution. Mais à trop s’approcher de la flamme, on finit par s’y brûler. C’est ce qui est arrivé à cette juriste avec ce livre, Belle et bête, os sans moelle littéraire dans lequel une bonne partie de l’intelligentsia parisienne plante aujourd’hui des crocs assassins. Ce qui se voulait une sorte de manuel néo-gonzo, Iacub allant s’accoupler avec sa proie avant de la livrer en pâture au public, tapine finalement sur le large trottoir des livres à scandales.

Mais qu’importe les critiques, toute pub est bonne à prendre. La mèche du buzz allumée dans le Nouvel Obs, qui pour le coup a mangé son serment progressiste, l’éditeur n’a plus qu’à attendre que les ventes explosent, selon le principe que dans le cochon -le surnom dont l’auteure a affublé DSK- tout est bon, surtout les parties fines. Un processus douteux. Puant même. On en finirait par avoir de la sympathie pour le prédateur, cette bête de sexe prise en flagrant délit de cochonnerie par une enquêtrice ripou. La gaudriole fait souvent perdre la raison. Mais pour une fois, on ne pourra pas accuser uniquement les hommes de ne penser qu’à ça…

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