Série instruments insolites (5/7): tables tournantes

Depuis John Cage et le rap, les platines ne servent plus seulement à écouter de la musique. Elles peuvent aussi en faire…

« Two turnables and a microphone. » La formule de Mantronix (le morceau Needle On The Groove, 1985) est aussi basique que révolutionnaire. Deux platines et un micro, il n’en faut pas plus pour créer un morceau. Mieux: il n’en faut pas davantage pour créer une toute nouvelle musique: le rap. L’histoire est connue. Fin des années 70, du côté de New York. Dans les décombres du Bronx, les bloc parties, ces fêtes de quartier, modelées sur les sound-systems jamaïcains, donnent naissance au mouvement hip hop. Les DJs en sont les rois. La compétition est rude: chacun essaie de trouver l’enchaînement qui va lui permettre de faire la différence. Un jour, le jeune Theodore Livingston, connu plus tard sous le nom de Grand Wizard Theodore, monte un peu trop le volume de sa sono. Quand sa mère débarque en trombe dans sa chambre, il bloque sa platine avec la main. Pendant qu’elle lui hurle dessus, il fait glisser le vinyle – Jam On The Groove de Ralph McDonald- d’avant en arrière, machinalement: le scratch est né. Plus tard, Grandmaster Flash va être le premier à graver le fameux son sur disque. En 1983, c’est Herbie Hancock qui cartonne avec Rockit (vidéo ci-dessous). Au centre du morceau, le scratching de D.ST, qui non seulement appuie la rythmique, mais apporte une contribution essentielle à la construction mélodique. Preuve que le zigzag de l’aiguille sur le microsillon dépasse le simple gimmick sonore.

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Solfège pour scratch

Le punk avait ramené le rock à l’essentiel: même plus besoin de savoir jouer de la guitare pour en faire. Le rap fait un pas de plus: il n’est même plus nécessaire de posséder un instrument pour créer un tout nouveau morceau de musique. Bienvenue dans la post-modernité…

Evidemment, certains contesteront toujours le statut de véritable instrument aux platines. Ce serait nier la dextérité que leur utilisation requiert. Equivalent du solo de guitare dans le rock, le scratching est devenu de plus en plus spectaculaire. Les techniques se sont compliquées, les routines (séquences) de plus en plus sophistiquées. Un artiste comme John Carluccio a même mis au point des systèmes de notations graphiques propres au scratch (le TTM pour Turntablist transcription methodology).

Le maniement des platines (appelez ça turntablism) n’a pas seulement contaminé tous les genres, de la musique concrète (John Cage, le Suisse Christian Marclay…) au rock (Rage Against The Machine). Il est devenu une discipline en soi. Avec ses disques clés, composés uniquement de samples (la compilation The Return of the DJ en 95, le Endtroducing de DJ Shadow en 96), et ses héros (QBert, surnommé le « Jimi Hendrix des platines« ). Même la (quasi-)extinction du vinyle n’a pas réussi à faire disparaître le genre: aujourd’hui, même Grandmaster Flash fait de la pub pour des logiciels comme Traktor. Turntablism never dies

Laurent Hoebrechts

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