Saturday Museum Night Fever

C’est à une seconde vie, bien après la fermeture traditionnelle de leurs lourdes portes, que les musées de la capitale nous invitaient samedi soir. Un parcours du combattant que nous avons entamé, humeur bravache et un rien maussade, sous la pluie.

Première halte de la soirée, la galerie Art et marges semble, à 22 heures à peine, en plein débordement, la façade en ébullition et le trottoir investi de performances, graffeurs bombes à la main. La confection de masques dans un baraquement genre pharmacie en travaux bat son plein. Pascal Duquenne et sa bande, masqués, poussent des hauts cris en guise d’accueil. À l’intérieur, on retrouve la patte de ceux qu’on a appris à côtoyer lors de la confection d’un numéro spécial de Focus, entièrement cousu art outsider: le trait nerveux de Max, les accordéons de Oscar Haus et la puissance des obsessions colorées de Kevin. Une belle mise en selle. On prend d’avantage le pouls de la soirée quand on rejoint la Place royale, carrefour de ralliement des incessants lifts qui balaient la ville. On arpente la suite du parcours au rythme des essuie-glaces d’une navette bondée et bavarde, les vitres embuées. Moment privilégié où les plans ad hoc se consultent, les programmes se jaugent, les commentaires s’épient, les impressions de visiteurs déjà aguerris se distillent. On tente de se défaire de l’impression que, partis tardivement ou pas, on ne pourra pousser qu’un frêle échantillon des 19 portes ouvertes d’autant de musées. On poursuit le parcours, dans un groupe qui se délite et se regonfle au rythme des rendez-vous sans cesse renégociés et des mouvements de foule. Certains d’entre nous resteront sur la touche, que l’affluence fait fuir. La file de parapluies devant les portes du MIM aura d’ailleurs raison de notre soif de vue imprenable sur Bruxelles by night. Et de notre soif tout court.

Danse avec les coulisses

Qu’à cela ne tienne, on attrape une navette direction la Monnaie, ou plutôt son antichambre. Pour pénétrer une vraie création en forme de parcours off, à travers les méandres de ses bureaux et de ses ateliers. Où, guidés par la diffusion en continu d’un opéra maison, sous une hauteur de plafond écrasante, on serpente dans les allées débordant de costume en taffetas, les réseaux de conduits, les maquettes de décor en cours et les ateliers surdimensionnés échus à leur réalisation. Un danseur répète dans les efforts assourdissants d’une chaufferie. Un parcours schizophrénique nocturne entre extrêmes finitions des gestes et atmosphère industrielle. Effectué au pas de course. Vu la file de postulants au portillon, il est question de tout sauf de flâner. Jusqu’à ce qu’on reste bloqués, grain de sable qui vient gripper la machine, dans un des ascenseurs du parcours, long comme une scène. On aura donc droit à un deuxième tour, à chercher l’escalier de service que même nos guides masqués ne trouvent plus. Pour ensuite pousser une porte et surprendre José Van Damme, master en résidence en pleine répétition, et être ensuite pressés vers la sortie et recrachés sur le trottoir, par l’issue des artistes.

Tuymans sous électro

En route pour un dernier stop au Bozar, où on resquille au-dessus des barrières pour honorer à temps le dernier objectif du programme: les toiles faussement impassibles du peintre belge Luc Tuymans. Décidément, il y a quelque chose d’exclusif et de frondeur à fouler les allées d’une expo bondée à 1 heure du mat comme si elle était à nous, au même rythme que d’autres flâneurs iconoclastes parlent et baillent devant les toiles. Une expo qui laisse dores et déjà entendre, dans certains de ses recoins, les vibes de la Fille d’O feat. Part Time Punks, emmenant la Redbull Elektropedia afterparty depuis minuit. Un mix d’univers qui crée un sacré dialogue avec Tuymans, dont les séries à l’huile ancestrale sont entaillées de subversion. La soirée se poursuit dans un hall des Bozar surpeuplé, qui doit refuser du monde dès 1 heure. Le parcours y trouve là et ailleurs sa conclusion, dans les vapeurs bouillantes de la foule, ou dans un café à quelques encablures de là, jusqu’aux petites heures…

Ysaline Parisis

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