Nicanor Parra, l' »antipoète » chilien

Nicanor Parra © AFP
FocusVif.be Rédaction en ligne

Nicanor Parra, écrivain chilien iconoclaste et prophète autoproclamé de l’anti-poésie est décédé à 103 ans. Portrait.

Poète de l’absurde, à l’humour provocateur, l' »antipoète » chilien Nicanor Parra a désacralisé la poésie, privilégiant une écriture au plus près du langage parlé car « l’antipoésie cherche la poésie, pas l’éloquence. Lauréat de nombreuses récompenses dans son pays, Nicanor Parra avait remporté en 2011 le prestigieux Prix Cervantes, considéré comme le prix Nobel de la littérature hispanique.

Le vieux poète, qui vivait retiré loin du monde dans la petite ville balnéaire de Las Cruces (centre), refusait toute interview.

Parra est né le 5 septembre 1914 à San Fabian de Alico, dans la région de Chillan, au sud du Chili, dans une famille modeste qui a donné plusieurs artistes célèbres, comme sa soeur Violetta Parra, l’auteur de « Gracias a la vida », chanson popularisée par Mercedes Sosa et Joan Baez.

En 1937, ce physicien et mathématicien de formation publie ses premiers poèmes (« Cancionero sin nombre ») et reçoit deux bourses pour étudier deux ans à la Brown University (Etats-Unis) et à Oxford (Royaume-Uni). A son retour, il enseigne la physique, dirige l’Ecole d’ingénierie de l’Université du Chili puis enseigne la littérature.

Il devient célèbre en 1954 avec ses Poèmes et Antipoèmes, acte de naissance de son « antipoésie », écriture irrévérencieuse, mondaine et simple à la fois, cherchant à faire sortir la poésie de son carcan et qui a caractérisé son oeuvre.

« Je suis plus dadaïste qu’anarchiste, plus anarchiste que social-démocrate, plus social-démocrate que staliniste, je crois plus au verbe qu’à l’action, mais ne me jugez pas pour ce que je dis mais pour ce que je ne dis pas », écrit dans son recueil « Hojas de Parra » (1985) le poète décédé mardi à 103 ans.

Couronné par le Prix Cervantes 2011, considéré comme le Nobel de la poésie, l' »antipoète » autoproclamé se montre alors modeste en disant le mériter mais « pour un livre qu’il me reste à écrire ». Moins humble dans d’anciennes interviews, il avait estimé que « tout allait mal depuis la Renaissance (…). Durant des siècles, la poésie a été le paradis de l’imbécile solennel, jusqu’à ce que moi j’arrive et m’installe sur ma montagne russe ».

En 1985, Parra réclame le « Prix Nobel de Lecture », affirmant être « le lecteur idéal ». Dans « Le Prix Nobel » (« Hojas de Parra »), il fait valoir qu’il lit absolument tout, « les noms des rues et les enseignes lumineuses (…) les pronostics pour le Derby et les plaques d’immatriculation ». Pourtant, en conclusion, il assure avoir peu de temps libre et « lire peu maintenant ».

Né le 5 septembre 1914 à San Fabian de Alico (sud, province de Ñuble), Nicanor Segundo Parra Sandoval est issu d’une famille modeste qui a donné plusieurs artistes célèbres. Il a pour soeur Violetta Parra, poétesse, chanteuse et peintre, auteur de « Gracias a la vida », chanson popularisée par Mercedes Sosa et Joan Baez.

– ‘Une puce dans l’oreille du Minotaure’ –

A 40 ans, il devient célèbre avec ses « Poèmes et Antipoèmes », acte de naissance de son « antipoésie ». Dans son film « Poesia sin fin » (2016), son compatriote Alejandro Jodorowsky décrit l’univers poétique de la bohème artistique du Santiago des années 1940-1950, partagé avec Parra, Enrique Linh et Stella Dia.

Parra se décrit alors de taille moyenne, fils d’un instituteur et d’une couturière, « mince de nature bien qu’aimant la bonne chère (…), ni très intelligent ni complètement stupide (…), un mélange de vinaigre et d’huile, un saucisson fait d’ange et de bête » (« Epitaphe »).

Dans « Autoportrait » (« Poèmes et Antipoèmes »), adressé à ses élèves, il se plaint d’être fatigué, triste, vieilli par un travail « alimentaire », alors que, lui aussi, a été « jeune, plein de beaux idéaux ».

A 23 ans, il publie ses premiers poèmes avant d’enseigner la physique, de diriger l’Ecole d’ingénierie de l’Université du Chili puis d’enseigner la littérature.

Entretemps, il s’est imprégné d’influences nord-américaines et européennes et ouvert à la psychanalyse lors de deux années passées à Oxford (Grande-Bretagne) grâce à une bourse d’études, après deux autres, également comme boursier, à la Brown University (Etats-Unis).

Poète novateur, il s’illustre notamment avec « Manifiesto » (1963), « Obra Gruesa » (1969, Prix national de Littérature du Chili), « Poesia politica » (1983), « Hojas de Parra (1985), « Poemas para combatir la calvicie » (1993), « Paginas en blanco » (2001).

Outre le Prix Cervantes, Parra est récompensé par le Prix national de Littérature du Chili (1969), le Prix de Littérature latinoaméricaine Juan Rulfo (1991), le Prix Reine Sofia de poésie ibéroaméricaine (2001), le Prix ibéroaméricain de Poésie Pablo Neruda (2012). Cependant, le Nobel de Littérature, lui échappe alors que Pablo Neruda, son opposé en poésie, est nobélisé en 1971.

Pour son centième anniversaire, le 5 septembre 2014, la présidente Michelle Bachelet a lu, à l’heure de sa naissance, son poème emblématique « L’homme imaginaire » qui « vit dans un manoir imaginaire, entouré d’arbres imaginaires, au bord d’un fleuve imaginaire… »

Une grande banderole apposée sous un portrait géant, devant l’université du Chili, rappelait un vers de Parra: « Ne cessez jamais d’être ce que vous êtes, une puce dans l’oreille du Minotaure ».

L’ancien séducteur, père de six enfants, vivait dans la petite ville balnéairee de Las Cruces (région de Valparaiso). Il fuyait les interviews mais était resté conscient jusqu’au bout, selon ses proches.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content