Philippe Cornet

Mickey sur la vague

Philippe Cornet Journaliste musique

Mi-janvier, Disney commercialise pour 24,99 dollars le t-shirt Waves Mickey Mouse sur un motif emprunté à Joy Division. Quelques jours plus tard, il le retire de la vente. Qui a peur de qui?

La chronique de Philippe Cornet

Ian Curtis était-il un admirateur secret du grand Walt, rêvant d’emmener sa fille Natalie -aujourd’hui brune aux yeux tristes de 32 ans- rigoler chez Goofy et les 7 nains? Obligatoirement à Orlando ou Anaheim, puisqu’à l’époque du suicide de Curtis, le 18 mai 1980, il n’existe pas encore de parcs Disney hors Amérique. La question prend un sens supplémentaire à la mi-janvier 2012: on apprend que Disney fabrique désormais un t-shirt directement inspiré de la pochette d’Unknown Pleasures, 1er album de Joy Division paru en mai 1979. Celui-ci arbore une image dégotée dans le Cambridge Encyclopedia Of Astronomy, des lignes horizontales successives évoquant la configuration stylisée d’une chaîne de montagnes. En fait, les émissions d’un pulsar dessinant le genre de papier crypté que l’on voit sortant d’un détecteur de mensonges dans les séries FBI. Le t-shirt Disney sculpte la tête de la fameuse souris à grandes oreilles dans le motif charbonneux récupéré par la bande à Curtis. Dont acte.

Peter Hook, le véhément bassiste de JD, ne manque pas de réagir -positivement, ce qui change un peu-, disant que le t-shirt en question est « plutôt une forme de compliment ». L’image originale étant tombée dans le domaine public, il n’y a de toute façon plus aucune juteuse action légale à tenter, même si l’acariâtre Mancunien précise au NME ses habituels plans pécuniaires: « J’ai l’habitude des piratages: quand je tombe sur des disques bootlegs, je demande généralement qu’une partie de l’argent aille à un organisme de charité qui s’occupe de l’épilepsie (maladie dont souffrait Curtis et qui aurait précipité son suicide, ndlr). Je me dis que Disney pourrait également agir de la sorte sur les ventes de t-shirts. » Le batteur du groupe, Stephen Morris, réagit plus virilement et déclare au Manchester Evening News: « Personne n’a demandé notre avis. Ils font du commerce avec notre groupe et notre pochette de disque, s’en affranchissent en précisant simplement que le design est inspiré de nous. C’est juste horrible. Je ne peux pas imaginer qu’un fan de Joy Division puisse porter ça. Ni personne d’autre d’ailleurs. »

Bordels nazis

Le Net frétille d’autres réactions effarouchées de fans du groupe criant au crime de lèse-Joy Division. Ignorant le fait que la bande à Curtis n’est sans doute pas la moins emprunteuse: elle a piqué le dessin controversé à l’encyclopédie déjà mentionnée, et son propre nom aux bordels dans lesquels les nazis maintenaient des esclaves sexuels pour la consommation des troupes. Ce qui, on en conviendra, est d’un goût exquis. Bizarrement, les fans de Mickey, qui pourraient trouver bizarre de dévoyer la souris enfantine avec les teintes d’un groupe au destin mortifère, n’ont pas vraiment réagi. Disney Corporate, qui n’aime pas le remue-ménage, si: en retirant presto, au 25 janvier, l’objet délictueux de la vente. Depuis lors, le Mickey new wave s’échange facilement à 200 dollars sur eBay.

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