Laurent Raphaël

Mâlemenés

Laurent Raphaël Rédacteur en chef Focus

Les hommes n’ont plus qu’à bien se tenir. S’il en reste. Des voix post-féministes s’élèvent pour pronostiquer la fin des mâles.

L’édito de Laurent Raphaël

Tatouages provocateurs, biscoteaux bien en vue, flow mitraillette, James Franco cultive le style gangsta rap jusqu’au bout du dentier en métal. Déjà quinze bonnes minutes qu’il fait l’inventaire de son empire floridien bâti sur la coke et la weed devant deux des quatre jeunes filles qu’il tient sous sa coupe depuis qu’il les a sorties du mitard où elles avaient atterri après une soirée no limit. Le bad guy monologue debout sur son lit king size quand, tout à coup, les deux blondes supposées soumises lui piquent ses flingues rutilants et l’obligent à une double fellation de pétoires en le menaçant sans rire d’une liquidation imminente.

Aussi puissante que dérangeante, cette scène choc d’un Spring Breakers -que l’on doit au trublion Harmony Korine- qui n’en manque pas, fait brutalement écho à l’actualité sur le front des droits de l’Homme, en l’occurrence de la femme: le pouvoir de subversion, si pas le pouvoir tout court, a changé de camp et de genre. Héritières énervées et culottées d’Olympe de Gouges, les nouvelles combattantes de l’égalité des sexes se déclinent désormais au grand jour sur un mode militant et agitprop. Sur le radar des conservateurs de tous poils, les voyants lumineux s’affolent. Car derrière les redoutables Femen, ces amazones venues du froid qui investissent seins à l’air et slogans à fleur de peau les bastions du machisme, lieux de culte ou défilé anti-mariage gay en tête, se profilent d’autres couches séditieuses. Là où les topless jouent l’effet d’attraction-répulsion que suscite la nudité « hors contexte » pour forcer le débat et attirer les médias, certains collectifs préfèrent l’entrisme pour détourner des fiefs de la tradition et essaimer leur message subversif.

Comme ces féministes australiennes adeptes du… tricot. Pas très contestataire à première vue, sauf que ces « craftivistes » comme elles se font appeler (contraction de « craft » -loisir créatif- et « activiste ») ont la pelote frivole et même pornographique. Quand elles ne brodent pas des vagins en tissu, comme l’une d’elle l’expliquait récemment dans le supplément du week-end du Monde, elles investissent la rue pour des happenings (atelier sauvage, slogans brodés sur le mobilier urbain, sexes en points de croix accrochés aux fils électriques, etc.) visant à… détricoter la domination masculine de l’espace public. Engagement physique d’un côté, récréatif de l’autre. Mais de part et d’autre, une constante: le sexe au coeur de l’action comme pour se réapproprier leurs corps et leurs désirs. Avec ce paradoxe et cet atout que leur point fort est aussi le point faible de leurs « adversaires ».

Les hommes n’ont plus qu’à bien se tenir. S’il en reste. Des voix post-féministes s’élèvent pour pronostiquer la fin des mâles. A commencer par l’Américaine Hanna Rosin, auteure d’un essai provoc, The End of Male, qui castre le modèle patriarcal. Sa thèse? Dans un monde mouvant et indéchiffrable, les rigides « Carton Man » seraient nettement moins bien outillés que les débrouillardes « Plastic Woman » pour s’en sortir. Et d’aligner les chiffres (taux de chômage, taux de réussite à l’université…) qui prouvent que le monde sera dirigé demain par l’autre moitié de l’Humanité. Bref, gare à vos petites fesses messieurs! Ceci dit sans sexisme bien sûr.

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