Laurent Raphaël

Les enfants du paradis

Laurent Raphaël Rédacteur en chef Focus

C’est le pari (fou) du mois: demander à une dizaine d’enfants de six à douze ans de jouer les chroniqueurs, les illustrateurs et les animateurs d’un numéro entier de Focus.

L’édito de Laurent Raphaël

Saint-Nicolas passant par hasard dans le coin le 6 décembre, on tenait déjà une date. Le reste était nettement moins écrit d’avance… Car comme disait Simone de Beauvoir, « un enfant, c’est un insurgé », on pouvait donc s’attendre à tout. Et c’est bien ce qui nous plaisait. Se frotter à une parole pas encore polie par les sermons, pas encore muselée par le politiquement correct ni polluée par le besoin de plaire. Les mômes expriment leurs pensées sans filtre. En tout cas les plus petits qui ne se soucient guère de ce regard extérieur qui encombre, inhibe, tétanise parfois déjà les pré-ados.

Quelques coups de fils et mails plus tard et le casting prenait forme. L’enthousiasme fut immédiat. Et pas seulement chez les parents. Nos critiques ont tout de suite pris leur rôle très au sérieux. Les BD (la nouvelle fournée des Petit poilu, Thorgal, Seuls, Last Man, etc.) envoyées à chaque journaliste en herbe étaient promptement avalées (et parfois aussi vite recrachées), chacun peaufinant par ailleurs avec soin la liste de ses coups de coeur. Première leçon: les enfants sont des boulimiques de culture. Ils lisent, écoutent de la musique et matent des films en quantité industrielle. Il faut donc croire que c’est plus tard que ça se gâte…

Laurent Raphaël, revu et corrigé par Émile
Laurent Raphaël, revu et corrigé par Émile

Etape suivante: rassembler tout ce beau monde dans un studio télé puisque dès le départ, on ne voulait pas perdre une miette de la gestuelle, des mimiques et des grimaces qui font partie intégrante du ballet de la communication à cet âge-là. Un mercredi après-midi de novembre, toute la clique s’est donc retrouvée dans les installations de Zoom Prod, notre partenaire de choc pour cette opération. L’endroit idéal pour des kids puisque les lieux ressemblent plus à un musée ultra moderne du jouet qu’à un banal studio télé. La preuve, quand Elliott, sept ans, pousse la porte, il chuchote à l’oreille de son père: « Papa, c’est le paradis ici! » C’est un peu ça en effet. Pendant que les plus grands se font une toile au Vendôme avant de rallier le QG, les cadets de la bande prennent d’assaut le kicker, la borne d’arcade old school, les flippers ou le coin dessin pour une retouche des photos du mag (voir les dégâts ci-dessus…). De quoi bien les occuper en attendant de passer, en solo ou en duo, dans le confessionnal, où ils vont pouvoir épicer l’actu culturelle à leur goût. C’est-à-dire le plus souvent salé, les monstres faisant rarement dans la mesure. Ils connaissent Dark Vador, Le Seigneur des anneaux, John Coltrane, Daft Punk, Sexion d’Assaut, Claude Demy ou les Beatles. Deuxième leçon: ne sous-estimez pas la culture générale de vos enfants.

Pour sortir du jargon, bousculer les codes, ce qui était un peu le but de l’exercice, il n’y a pas mieux que cette exposition à la lumière crue et directe d’un regard sans engrais. Il suffit d’ailleurs d’entendre leur définition de la culture pour redescendre sur terre. Troisième leçon: les kids ne perdent jamais de vue l’essentiel. Le message est clair: avant de nous demander de réfléchir, il faut d’abord nous nourrir! Ça tombe bien, les pizzas viennent justement d’arriver!

« C’est quoi la culture? Planter des tomates, non? »

Guillaume, 7 ans.

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