Laurent Raphaël

Guest star

Laurent Raphaël Rédacteur en chef Focus

L’édito de Laurent Raphaël

Non, nous ne sommes pas fâchés avec les photographes. Mais quand on a appris que Joost Swarte, le Hergé punk, dont les chromos modernistes nous hantent par ricochet depuis l’enfance (merci papa, merci maman d’avoir accroché un poster d’Ever Meulen, l’autre mousquetaire de la ligne claire, dans les toilettes!), allait poser son équerre et ses couleurs à l’écoline dans la galerie bruxelloise Champaka pour une expo-vente, notre sang n’a fait qu’un tour de pick-up: on voulait le rencontrer bien sûr, pour savoir comment cet avant-gardiste aux piments subversifs s’accommodait de l’époque et de ses pseudo révolutions, mais aussi saupoudrer le numéro qui l’accueillerait de cet imaginaire graphique teinté d’absurde dont il a truffé 40 ans durant ses illustrations, planches, sculptures, plans d’architecte, portfolios ou encore cartes postales.

Quelques coups de fil et le rendez-vous était pris à Haarlem (pas celui de NY mais des Pays-Bas) pour l’interview. Restait à convaincre ce franc-tireur d’aller fouiller dans son grenier pour nous dénicher de quoi enluminer une bonne vingtaine de sujets aussi variés que les répercussions du 11 septembre sur l’art ou un dossier sur les films qui portent le fer dans les plaies judiciaires. Joost Swarte -merci à lui et à l’équipe de la galerie Champaka- a tout de suite donné son imprimatur. Après un feu nourri de mails dans les 2 sens, le dessinateur a mis la main sur une belle brochette de dessins qui font sens -enfin on l’espère, c’est à vous de juger- avec les petits et gros cailloux qui pavent ce sommaire.

Certains de ces gags sont extraits d’albums, d’autres ont été publiés dans le prestigieux The New Yorker ou dans Humo, d’autres encore n’ont jamais vu la lumière du jour! L’échantillon illustre en tout cas la richesse de l’univers de ce grand monsieur de la BD qui s’accorde toutes les libertés créatives, pour autant qu’elles ne nuisent pas à la lisibilité. Ce qui en fait un disciple esthétique de Tati, l’un de ses maîtres à crayonner. En refusant dès ses débuts les compartiments étanches entre les disciplines -il a pratiqué la BD comme le design ou l’architecture-, en faisant activement collaborer ses 2 hémisphères lui qui mêle si habilement ses préoccupations techniques à sa fibre artistique, Joost Swarte a fait oeuvre de précurseur. Comme Robert Crumb ou Art Spiegelman, avec lesquels il partage plus qu’une amitié, un regard oblique sur le monde et un trait indélébile, il a démontré qu’on pouvait imposer sa marque tout en restant fidèle à ses idéaux underground. Indépendamment de toutes ces qualités, l’occasion était surtout trop belle pour nous de glisser un peu de non-sens et de poésie loufoque dans un monde suspendu au-dessus du gouffre…

Retrouvez les dessins de Joost Swarte dans le numéro spécial de Focus de ce 9 septembre.

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