Nurten Aka

Frontières floues

Nurten Aka Journaliste scènes

Le réalisateur des Barons, Nabil Ben Yadir, met en scène Guantanamouk tandis que le Théâtre de la Place accueille Bruce Willis… Variations ciné-théâtre.

La chronique de Nurten Aka

Après le succès de son film Les Barons, Nabil Ben Yadir crée son premier spectacle, Guantanamouk: 2 prisonniers « arabes » que tout sépare. L’un est musulman pratiquant, branché Malcom X, l’autre « pratiquement musulman », féru d’Amérique et des Simpson. Impressions de Ben Yadir: « Au théâtre, tu crées en équipe, directement sur place, et tu peux corriger après chaque représentation. Au cinéma, tu bouges de lieux de tournage, avec un va-et-vient d’équipes. Le montage est ton espace de création, puis le film sort et c’est fini. Au théâtre, tu peux toucher les gens en direct mais avec une distance intégrée. Il y a une limite avec la réalité là où l’image cinématographique peut aller très loin. Par exemple, dans Guantanamouk , les scènes de tortures sont impossibles (c’est limite pathétique) alors qu’au cinéma tu as un boulevard. Donc, au théâtre, tu dois absolument décaler la réalité. » Tout est dit.

Scènes de cinéma

Un réalisateur de cinéma au théâtre: la chose est devenue rare. Alors que c’était monnaie courante chez Bergman, Visconti ou, plus tard, Chéreau. Mais les relations scène-cinéma sont multiples: citation, inspiration, adaptation. Un tramway nommé désir et Qui a peur de Virginia Woolf? ont donné des films cultes, tandis que Scènes de la vie conjugale et Festen ont leur version théâtrale. A la fusion ciné-théâtre, l’exceptionnel Dogville de Lars Von Trier est une réussite de haut vol. Comme le touchant spectacle-tournage Kiss & cry du réalisateur Jaco Van Dormael avec la chorégraphe Michèle Anne de Mey, sur l’amour et le temps qui passe. A revoir en novembre à la Biennale de Charleroi-Danses. Côté cinéma, les scénarios puisent parfois dans les pièces classiques (Shakespeare, Molière…) et des comédiens « confirmés » ont d’abord crevé l’écran du théâtre. Yolande Moreau est passée par la Balsamine, Eric Elmosnino, « révélé » dans Gainsbourg de Joann Sfar, était déjà une bête de scène. Abel et Gordon ont marqué les spectateurs de théâtre avant les cinéphiles. Olivier Gourmet, sorti du Conservatoire, a « planché » une dizaine d’années dans nos théâtres. Mais le grand écran profite de son statut de « star » face au théâtre. Quand Huppert, Binoche, Jeanne Moreau déboulent sur scène, quel ramdam! Parfois à tort. Quand un comédien crève l’écran, pas sûr que les cinéphiles le suivront sur scène. Dommage. A fortiori en Belgique: qui sait que Fabrice Adde (Eldorado), Fabrizio Rongione (Rosetta…), Laurent Capelluto (Mr Nobody, Un Conte de Noël… ) ou encore Gwen Berrou (Les Géants) et la plupart des interprètes des films de Philippe Blasband viennent du théâtre et en font toujours? Bref, les planches nourrissent le cinéma plus qu’on ne l’imagine. Enfin, en octobre, le théâtre-ciné bat son plein. Au Varia, Marcel Delval crée Adultères, une pièce de Woody Allen. A la Balsamine, Au Contraire annonce une chorégraphie « à la Godard ». A Liège, il ne faudra pas rater le spectacle… Bruce Willis saves the world (!?). Si le cinéma emprunte au théâtre, le théâtre n’est pas en reste.

GUANTANAMOUK JUSQU’AU 14/10 (WWW.KVS.BE), AU CONTRAIRE DU 20 AU 22/10 (WWW.BALSAMINE.BE), ADULTÈRES JUSQU’AU 27/10 (WWW.VARIA.BE), BRUCE WILLIS… DU 26 AU 29/10 (WWW.THEATREDELAPLACE.BE).

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