Avignon :  » Enfin du texte ! » ?

© Nurten Aka

Dernière semaine pour la 64ème édition du Festival d’Avignon, imaginée collectivement par la direction Hortense Archambault et Vincent Baudriller et deux artistes associés : l’homme de théâtre suisse Christoph Marthaler et le romancier français Olivier Cadiot.

De ce mélange d’horizons, l’édition s’est déclinée dans l’hybride avec de la danse, de la performance, et du texte. Car Avignon sans texte, ça tape sur les nerfs des spectateurs !  » Enfin du texte ! « , entend-t-on…

Pourtant le théâtre d’aujourd’hui devient, scène et spectacle, de plus en plus hybride, usant (abusant parfois) de vidéo, dessin, texte fragmentaire, peinture, son, déconstruction, éclatement de la fable, atmosphère instantanée d’une époque, sonorisation du jeu… De l’espace mental, moins de jeu et plus d’images. Peu importe la forme tant qu’un propos pertinent suit…

Ainsi de la dernière création du chorégraphe congolais Faustin Linyekula, qui adapte le texte de Racine retirée  » Pour en finir avec Bérénice « . Dans le théâtre du chorégraphe, peu importent les faiblesses du jeu et de la forme scénique, du théâtre  » povere « , table, terre battue, comédiens blacks, masqués blancs… La majorité semble avoir été touchée par le propos : la corrélation entre l’indépendance du Congo et Bérénice, reine de Palestine, qui a renié les siens pour aimer son  » colonisateur « , Titus, empereur de Rome, pour être finalement rejeté par le peuple romain. Un peu laborieux pour nous, sauf la réflexion sur la langue du colonisateur, le français, adoptée à marches forcées à coup de scolarisation missionnaire… Sûrement mieux rodé, le Bérénice de Linyekula est à voir au KVS en mars 2011.

Autre texte, avec Der Prozess de Kafka par le Kammerspiele de Munich, une mis en scène-découverte d’Andreas Kriegenburg qui a remporté l’unanimité des spectateurs ! Tout y est : une scénographie impressionnante : un immense oeil que le public voit de face dans lequel s’incrustent 8 excellents Monsieur K. – personnages démultipliés- en complet-veston noirs aux allures de cinéma muet et notes d’humour, au fil de l’intrigue tourmentée de l’étrange procès de Monsieur K. Spectacle sans faille pour une plongée vertigineuse chez Kafka.

En écriture contemporaine, c’est l’Allemand Falk Richter qui fait coup double sur Avignon avec My secret garden et Trust. Metteur en scène de ses propres textes, comme Rodrigo Garcia, ce quadra trempe dans le désarroi de l’époque, mêlant réflexion sur l’homme au quotidien pris dans un monde capitaliste qui de toute façon lui échappe. Que faire alors ? Ecriture vive comme un coup de poing, ses mises en scène peuvent faire le grand écart entre une sobriété posée (Secret Garden) ou la folie éclatée mêlant la danse (Trust). A chaque fois un Tourbillon malgré d’infimes raccourcis. Falck Richter sera un des artistes associés du Théâtre National de Bruxelles .A voir Secret Garden à Liège et Bruxelles, en février 2011.

Enfin la création attendue. La Tragédie du roi Richard II de Shakespeare, mise en scène par le Français Jean-Baptiste Sastre, avec dans le rôle-titre Denis Podalydès. A part son jeu d’une belle désinvolture pour camper ce roi qui cherche à remettre sa couronne, l’ensemble souffre d’un vieil académisme théâtral, déclamé, en costumes-tuniques hésitants entre l’époque et le maintenant… Une traduction moderne qui nage dans tous ça…  » Sastre le désastre «  nous avait prévenu ami. La salle est pourtant partagée, entre une minorité qui fui, une autre qui s’endort poliment, et une autre en applaudissements courants. Plus piquant est la critique entre le Monde qui annonce que  » Sastre illumine l’oeuvre de Shakespeare  » et Libé qui renvoie le spectacle aux années 50. A voir ou éviter à Liège au Théâtre de la Place en février 2011.

Reste qu’on s’attache à quelques perles d’Avignon comme le Big Bang de Philippe Quesne, spectacle-performance, nourri d’art plastique où le Cro-Magnon peut rencontrer l’astronaute. A voir en novembre au Vooruit de Gand. Ou encore les soli abstraits et minimalistes entre le corps-mouvement et la lumière de la chorégraphe Cindy Van Acker. Ou plus concret, la danse-performance du chorégraphe Jose Nadj et métamorphose picturale raffiné dans Les Corbeaux.

Mais cela ne suffit pas à marquer une édition qui s’est ouverte et poursuivie en demi-teintes…

Nurten Aka en Avignon.

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