Critique

Wadjda

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Louis Danvers
Louis Danvers Journaliste cinéma

COMÉDIE DRAMATIQUE | Une jeune interprète épatante anime ce très bon film saoudien, tourné par une femme et affichant une surprenante audace.

COMÉDIE DRAMATIQUE DE HAIFAA AL MANSOUR. AVEC WAAD MOHAMMED, REEM ABDULLAH, ABDULLRAHMAN AL GOHANI. 1H37. SORTIE: 06/02. ****

La première grande et belle surprise de l’année nous vient d’Arabie Saoudite. D’une cinématographie pratiquement inexistante, et qui plus est d’une… réalisatrice! Haifaa Al Mansour a mis cinq ans pour mener à bien la plus improbable des entreprises imaginables dans le cadre de la production locale: un film signé d’une femme, et un film féministe… C’est d’Allemagne, de la société Razor Films, qu’est venu le financement de ce qui est aussi une toute première oeuvre, via notamment une bourse accordée au scénario par la Berlinale. Mais le film a été tourné sur place, en Arabie Saoudite, dans des conditions parfois très spéciales. Haifaa Al Mansour devant notamment filmer certaines scènes depuis l’intérieur d’une voiture, cachée pour ne pas défier ouvertement certaines interdictions de paraître et de faire encore infligées à la gent féminine saoudienne! Tous les efforts accomplis se révèlent payants, Wadjda se voyant applaudi et distribué dans de nombreux pays depuis sa première triomphale au dernier Festival de Venise.

Solaire

La jeune héroïne du film lui donne son titre. Wadjda a 10 ans et vit dans un faubourg de Riyad. Elle habite avec sa mère, qui n’a pu donner d’enfant mâle à un mari que la belle-famille entend dès lors lier à une autre épouse par un second mariage. Wadjda atteint l’âge où les jeunes filles se doivent de porter le voile.

Mais bien dans ses baskets (littéralement) sous les oripeaux traditionnels, la gamine n’entend pas grandir soumise. Son rêve? Acheter un vélo et le chevaucher malgré l’interdiction faite aux filles de rouler à bicyclette… par peur qu’elles abîment leur virginité mais aussi par crainte de la liberté de mouvement que le deux-roues représente. Un concours de déclamation chantée de textes religieux, doté d’un prix permettant l’achat du vélo, sera pour Wadjda le moyen de réaliser son rêve. Du moins l’espère-t-elle… Le premier atout du film est l’interprétation de Waad Mohammed, néophyte au caractère aussi déterminé que celui de sa réalisatrice. Laquelle a déniché sa perle rare in extremis, au terme d’un casting aussi long que difficile. L’intelligence de la réalisatrice est d’avoir évité le film pamphlet, le manichéisme, tout en faisant passer des idées éminemment progressistes à travers un personnage d’enfant. Une stratégie naguère pratiquée par les cinéastes iraniens, et qu’Al Mansour reprend avec un supplément d’optimisme, une qualité solaire et un humour qui nous font entrer en grande complicité avec sa jeune héroïne. Wadjda est un bonheur de film, porteur d’espoir et de courage dans un contexte tellement hostile à l’égalité entre les sexes, et où on reste surpris qu’autorisation fut bien donnée à pareil projet! Haifaa Al Mansour, qui ne porte pas le voile mais bien le cheveu aussi libre que le cinéma, n’entend pas en rester là!

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