The Guilty, suspense en huis clos

Jakob Cedergren, au coeur d'un thriller danois sous tension se déroulant entièrement dans un centre d'appels d'urgence. © DR
Louis Danvers
Louis Danvers Journaliste cinéma

Seul au centre de The Guilty, l’acteur danois d’origine suédoise Jakob Cedergren signe une interprétation captivante. Rencontre.

C’est assurément une des performances d’acteur les plus marquantes de cette première moitié d’année! Jakob Cedergren nous fait formidablement vibrer dans The Guilty, suspense en huis clos qui le voit incarner un policier brillant et dévoué, mais relégué suite à une sombre affaire au standard des appels d’urgence. Et qui doit réagir à l’appel d’une mère affolée, disant qu’elle a été enlevée et craint pour son enfant. Le comédien de 45 ans, déjà bouleversant dans Submarino de Thomas Vinterberg, était l’autre jour de passage à Bruxelles, à l’invitation du BRIFF (Brussels International Film Festival). Prenant des nouvelles des Diables Rouges, dont il apprécie la fougue offensive, le géant blond et barbu a un oeil sur la Coupe du Monde où il a -au moment de l’interview- encore trois équipes de coeur: le Danemark dont il est citoyen, la Suède où il est né… « et le Brésil, qui joue en jaune et bleu comme les Suédois« . Mais c’est de cinéma qu’il est venu nous parler. D’un premier film très réussi et dont tant le personnage que le concept l’ont emballé d’emblée.

« On me pose pas mal de questions sur le challenge que représente le rôle, mais on ne joue pas un challenge, on ne joue pas une situation, on joue toujours un personnage! Celui d’Asger est passionnant, brillamment écrit par Gustav Möller, en partant de zéro, d’une feuille blanche, en suivant minute par minute ce qu’il pourrait faire face aux enjeux pratiques mais aussi moraux qu’il affronte. Tout le dispositif mis en place par Gustav avait un but essentiel: l’authenticité. Tous les appels que je recevais étaient en direct, les gens étaient dans une pièce séparée de celle où je me trouvais, comme pour un dispositif de radio-théâtre. Et tout a été tourné dans l’absolue chronologie des faits, de l’action. Ce qui implique quelques contraintes, mais bien plus de bénéfices encore. Il en va de même pour les longs plans-séquences, suivant le découpage du script en huit blocs. Le premier bloc faisait approximativement huit minutes, le plus long, au milieu, environ 36… Hallucinant pour un réalisateur dont c’est le premier film! Nous avons commencé à préparer le film ensemble six mois avant le tournage. Il voulait m’impliquer avant même que le scénario soit achevé. Et tout préparer avec précision. Il m’a donné sa totale confiance, et il m’a fourni tout ce qu’il me fallait pour lui offrir la meilleure performance dont je sois capable. Y compris dans les moments d’improvisation. Nous étions parfaitement synchronisés lui et moi. »

Liberté

L’idée de départ de The Guilty est venue à Gustav Möller en regardant… une vidéo sur YouTube. « C’était un appel au 911, le numéro d’urgence en Amérique du Nord. Il y avait juste le son mais Gustav s’est aperçu qu’il voyait des visages en entendant les voix. Ça l’a fasciné et lui a donné le désir de faire ça dans un film, de relever ce défi dont nous ne savions pas, en débutant le travail, si nous pourrions le relever efficacement. Faire voir au spectateur, dans sa tête, le visage de gens dont il entend seulement la voix, placé qu’il est dans la position du personnage d’Asger. » Jakob Cedergren n’est pas adepte du « method acting », et ne fait pas tout un plat d’une préparation qui l’a vu rencontrer des gens travaillant au même type de poste que son personnage. « Il fallait bien sûr que je sois crédible, mais l’essentiel est ailleurs, pas non plus dans les éléments de thriller criminel qui sont mis en exergue pour attirer les spectateurs. La clé, pour moi, c’est qu’Asger est une personne très seule, et très larguée. Il y a beaucoup de coeur là-dedans, c’est profondément ressenti. Ce type a une bonne volonté immense, mais qui ne l’a pas empêché de se planter. Au public d’imaginer en quoi, et pourquoi. Peut-être n’est-il pas, au fond, l’homme qu’il faut pour faire le job qu’il fait… Les policiers, les ambulanciers, les militaires voient des choses très dures. Et quand vous êtes comme eux exposé au versant le plus sombre de la vie, ça ne peut qu’énormément vous affecter. »

Une situation intense, comme celle vécue avec Thomas Vinterberg sur Submarino (2010), film où il incarnait un homme blessé par la vie, l’alcool, la drogue. « Thomas est un grand réalisateur, point barre, commente Jakob, mais son expérience aux États-Unis avait été une déception pour lui. Avec Submarino , il voulait repartir à zéro. Il insistait sur ce point. Tourner comme s’il sortait tout juste de l’école de cinéma. Je me suis dit que j’étais le mec le plus chanceux du monde pour le rencontrer et travailler avec lui à ce moment-là de sa vie et de sa trajectoire artistique. Il s’était affranchi de tout! Le tournage fut constamment chargé d’une grande émotion. Nous étions une toute petite équipe, nous n’avions rien à perdre. Un peu comme avec Gustav pour The Guilty . J’adore ce sentiment de liberté absolue, de ne devoir rendre compte à personne. C’est très rare. J’espère pouvoir le revivre un jour. »

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