Portrait: Charlie Plummer, toujours en mouvement

Prix du meilleur espoir à la Mostra de Venise, Charlie Plummer a sans doute un point commun avec son personnage d'ado solitaire dans Lean on Pete: être toujours en mouvement. © DR
Jean-François Pluijgers
Jean-François Pluijgers Journaliste cinéma

Vu récemment dans All the Money in the World, de Ridley Scott, le jeune acteur crève l’écran dans Lean on Pete, d’Andrew Haigh, récit d’apprentissage arpentant une autre Amérique.

Dans la mémoire cinéphile, Poughkeepsie renvoie à un dialogue fleuri de The French Connection, « Did you ever pick your feet in Poughkeepsie? », diatribe adressée sans ménagement par Gene « Popeye Doyle » Hackman à un dealer. C’est également dans cette bourgade de l’État de New York qu’est né, il n’y a pas encore 19 ans, Charlie Plummer, dont l’on dirait, si l’expression n’était à ce point galvaudée, qu’il compte assurément parmi les acteurs les plus prometteurs de sa génération, lui qui monopolise aujourd’hui l’écran dans Lean on Pete, d’Andrew Haigh. « Le casting pour un projet comme celui-là constitue une étape terrifiante, explique ce dernier. Si Charlie n’avait pas été bon, le film n’aurait pas pu fonctionner. Il nous avait envoyé une vidéo, et un élément intuitif est entré en ligne de compte, qui nous a fait ressentir qu’il avait quelque chose de différent. Mes films sont dans la retenue et il faut donc s’assurer que les comédiens ne seront pas enclins à en faire trop, sans quoi ça ne collera pas avec l’esthétique d’ensemble. Charlie est un acteur subtil et délicat dans sa manière d’aller chercher des émotions, mais il est aussi extrêmement perspicace, une qualité que l’on ne rencontre guère chez des jeunes gens de son âge, et sa compréhension du personnage a achevé de me convaincre. »

De toute évidence, Haigh n’a pas eu à regretter son choix, tant Plummer incarne avec finesse et intensité Charley Thompson, un adolescent solitaire tentant de trouver sa place dans le monde alors qu’il évolue dans un environnement dont la précarité est accentuée par l’absence de sa mère et la présence toute relative de son père. Circonstances qui, amplifiées par d’autres, vont l’emmener à entreprendre un road-trip en compagnie d’un cheval déclassé (Lean on Pete, qui donne son titre au film), périple opéré d’Ouest en Est, de l’Oregon au Wyoming, à rebours en quelque sorte du rêve américain…

Un boulot étrange

S’il fallait lui chercher un point commun avec son personnage, ce serait d’avoir été, lui aussi, toujours en mouvement, confie Charlie Plummer, rencontré à l’occasion de la Mostra de Venise dont il repartira avec le prix du meilleur espoir. « Comme lui, je n’ai pas cessé de déménager, fréquentant diverses écoles. Quand on embrasse la carrière d’acteur, on sait que l’on va être amené à beaucoup bouger. J’ai vécu des expériences nombreuses et j’ai connu pas mal de gens dont j’ai été proche pour ne plus les revoir ensuite -c’est un élément du scénario dans lequel j’ai pu me retrouver. Lean on Pete constitue à mes yeux une représentation honnête de la vie de beaucoup de gens, peuplée de rencontres avec des individus qui entrent puis sortent de votre existence, pour ne jamais réapparaître. C’est la vie, tout simplement. » La comparaison s’arrête là, cependant, Charlie ayant grandi dans un environnement fort éloigné de celui dans lequel évolue Charley. Fils d’une comédienne et d’un scénariste/producteur, rien ne le prédestinait pourtant particulièrement au métier d’acteur: « J’étais un enfant très timide, n’aimant pas m’exprimer en public ou devoir prendre la parole devant la classe. À l’âge de onze ou douze ans, j’ai voulu essayer le théâtre amateur. J’avais vu une pièce avec ma mère, où jouaient des enfants qui étaient payés, menaient une vie incroyable et travaillaient sans arrêt. Cette idée m’a séduit, tout comme le fait d’être déguisé, et je me suis lancé. Étant tous deux dans le business, mes parents ont d’abord voulu me décourager, sachant combien ça pouvait parfois s’avérer difficile. Mais une fois qu’ils ont vu que je le faisais avec sérieux et passion, ils sont devenus mes plus précieux soutiens. » Il ne faudra guère attendre pour que sa carrière décolle, Charlie Plummer faisant ses débuts au cinéma dans Not Fade Away, le premier long métrage du créateur des Sopranos, David Chase, avant de tenir un rôle récurrent dans Granite Flats et Boardwalk Empire, où il a pour partenaire Steve Buscemi, qu’il retrouve aujourd’hui dans Lean on Pete. « Chaque fois que je parle à des acteurs qui sont dans le milieu depuis longtemps, j’en profite pour apprendre. Avoir des mentors que je respecte a une valeur énorme à mes yeux, parce que c’est un business imprévisible, à la fois stimulant et déroutant. C’est vraiment un boulot étrange, mais une chose que j’ai retenue de mes quelques années dans ce métier, c’est que chaque expérience, même négative, a de la valeur, parce qu’elle contribue à vous former. »

Un leitmotiv pour celui qui cite Mark Rylance comme modèle définitif – « Je l’ai vu pour la première fois à l’âge de treize ans, sur scène, à New York, dans Jerusalem , et je l’ai trouvé incroyable. J’admire la façon dont il arrive à passer des productions théâtrales les plus exigeantes à ses collaborations récurrentes avec Steven Spielberg, tout en continuant, la cinquantaine bien entamée, à toujours vouloir apprendre ». Qualité résonnant à l’évidence aux oreilles d’un comédien à qui, après King Jack de Felix Thompson ou The Dinner d’Oren Moverman, le cinéma déroule désormais le tapis rouge. Au point d’en faire, de Lean on Pete à All the Money in the World, de Ridley Scott, où il campe John Paul Getty III aux côtés notamment de Christopher Plummer (homonyme sans lien de parenté), quelque chose comme la sensation du moment, dont l’on est prêt à parier qu’elle sera appelée à durer…

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