Offscreen: « Vous connaissez Tarantino? On vous montre les films dont il s’est inspiré! »

© Reuters
Nicolas Clément
Nicolas Clément Journaliste cinéma

Films insolites, classiques du genre, nanars mythiques et plaisirs délicieusement coupables sont au programme de la sixième édition du festival Offscreen, incontournable événement cinéphile qui culminera avec la venue à Bruxelles de John Waters, maître culte du mauvais goût.

Des nains sadiques qui fouettent leurs esclaves sexuelles à tendance cannibale dans les sous-sols crasseux de Manhattan (Bloodsucking Freaks de Joel M. Reed, le 09/03), un collectionneur en quête d’un ultime pénis humain pour compléter son éventail muséal de chibres en tous genres (The Final Member de Jonah Bekhor et Zach Math, le 14/03), un travesti dingue de pulls angora qui dit et fait n’importe quoi (Glen or Glenda d’Ed Wood, le 17/03), des paires de loches grosses comme des pastèques gorgées de soleil noir (Supervixens de Russ Meyer et Deadly Weapons de Doris Wishman, le 08/03)… S’il n’y en aura, à proprement parler, pas pour tous les goûts, il y en aura assurément pour tous les amateurs de mauvais goût. Dissidence underground du BIFFF volant aujourd’hui largement de ses propres ailes du désir cinéphile, le festival Offscreen, sixième du nom, dressera le couvert de son grand banquet de films radicaux, subversifs et déviants du 6 au 24 mars à Bruxelles.

« C’est difficile de définir ce qu’est l’Offscreen, commente Dirk Van Extergem, coordinateur exalté du festival. Des films hors du commun, certainement. Pour le grand public, je dis toujours: vous connaissez tous Quentin Tarantino, eh bien le rôle du festival consiste à programmer les films qu’il aime et dont il s’est inspiré. Voilà pour l’esprit. L’ambition, là derrière, c’est d’écrire une Histoire alternative du cinéma. L’Histoire du cinéma, ce n’est pas seulement le néo-réalisme, la Nouvelle Vague, Antonioni, tous ces mouvements et figures emblématiques et unanimement reconnus. Un nanar de genre en dit parfois beaucoup plus sur son époque, la société et ses moeurs, qu’un film d’auteur. Parce qu’il ose s’attaquer à des sujets délicats ou tabous, questionne les notions de bon ou mauvais goût. »

The Pope of daube

Le mauvais goût, donc, parlons-en: une section entière lui est consacrée cette année sous l’étiquette « Camp et Trash », autour de la venue-événement à Bruxelles de John Waters himself, « The Baron of Bad Taste », « The Sultan of Sleaze » ou encore « The Pope of Trash », comme se plaisait à le nommer William Burroughs. Maître incontesté de la provocation comico-bizarre et de l’outrance -Divine mangeant une merde de chien encore fumante dans Pink Flamingos (1972), c’est lui; la partie de jambes en l’air avec marteau et pince à bec de Female Trouble (1974), c’est encore lui-, Waters se produira à Bozar le 9 mars dans un one-man show caustique brassant les épisodes phares de sa carrière de cinéaste atypique, lequel sera suivi de la projection de son fameux Polyester en odorama. Double événement autour duquel ce sixième Offscreen bâtit une grande partie de sa programmation, proposant une rétro Waters quasi exhaustive tout en balayant large une histoire peu connue, et pourtant passionnante, de ce cinéma dit camp et trash.

« Dans la plupart des festivals, c’est la compétition qui tient lieu de narration de l’événement. Chez nous, ça ne fonctionne pas comme ça, explique Dirk Van Extergem. Chaque volet du festival doit raconter une histoire. On part d’un réalisateur, d’une thématique, et on se pose la question: que peut-on faire autour de ça? Quelles sont les influences de ce cinéaste? Quel est son parcours? Prenez John Waters: son cinéma est aussi bien influencé par la science du mélodrame de Douglas Sirk que par les musicals de Busby Berkeley ou les expérimentations d’Andy Warhol. C’est ça que nous voulons montrer. Et c’est pour ça qu’on ne se contente pas de le faire venir à Bruxelles: on organise une rétrospective de son travail, on lui donne carte blanche pour programmer cinq films qui l’ont particulièrement marqué, on lui demande de faire une masterclass, on monte une conférence autour des deux éléments qu’il a réussi, sans doute mieux que quiconque, à combiner dans ses films: le camp et le trash. »

Soit un cinéma résolu à transgresser tous les codes moraux existants en cultivant l’excès et en bousculant, parfois violemment, les conventions. Des exemples? Thundercrack! (de Curt McDowell, le 07/03) et son apologie gourmande -des hommes, des femmes, des animaux, des légumes, des fruits…- de la dépravation orgiaque. Ou encore Queen of Outer Space (d’Edward Bernds, le 15/03) et sa planète pleine de femelles dominatrices court vêtues et d’araignées géantes en toc. Quant à Blood Feast (de Herschell Gordon Lewis, le 09/03), ancêtre poisseux du slasher movie, sa stratégie promo se concentrait essentiellement sur la distribution de sacs à vomi à l’entrée des salles. Yummy.

OFFSCREEN, DU 06 AU 24/03, À BRUXELLES (CINÉMA NOVA, CINEMATEK, CINÉMA RITS, BOZAR). WWW.OFFSCREEN.BE

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content