Offscreen, le grand festin

Evolution, de Lucile Hadzihalilovic © DR
Nicolas Clément
Nicolas Clément Journaliste cinéma

Rendez-vous privilégié des amateurs de cinéma déviant, culte et insolite, l’Offscreen Film Festival remet le couvert en mars à Bruxelles pour une neuvième édition à la salivante programmation. Aperçu glouton.

Les premières

Chantre d’une cinéphilie décomplexée et joyeusement alternative résolument tournée vers le passé, la manifestation bruxelloise promet un chapelet toujours plus imposant d’inclassables nouveautés et autres friands inédits. Dans la foulée, en ouverture, d’un Evolution (le 02/03) qui verra la réalisatrice française Lucile Hadzihalilovic clôturer un étrange diptyque entamé il y a douze ans déjà par Innocence, l’Offscreen Film Festival neuvième du nom enchaînera pour ainsi dire sans discontinuer les propositions de cinéma récentes et insolites au fort degré de potentiel culte. A commencer par le 11 minutes (le 03/03) du vétéran surdoué Jerzy Skolimowski (Deep End, Essential Killing), concentré serré de vies friables qui s’entrechoquent. Entrechoquements, toujours, au programme du nouveau film cintré de Guy Maddin, The Forbidden Room (le 06/03), où le petit génie canadien du beau bizarre, qui fait par ailleurs l’objet d’un documentaire (The 1000 Eyes of Dr. Maddin d’Yves Montmayeur) programmé le même jour, orchestre la rencontre hallucinée entre une douzaine d’histoires composites au gré d’un fascinant maelström narratif. Quant au nouveau délire de Nicolas & Bruno (le Message à caractère informatif sur Canal), A la recherche de l’ultra-sex (le 11/03), c’est à un grand détournement de films pornographiques des années 70 et 80 -à touffes, donc- qu’il s’attèle dans la jouissance et la bonne humeur. Mais le vrai sommet du festival en sera peut-être aussi le point d’orgue: en clôture, l’enfant sauvage du cinéma britannique, l’affreux, sale et méchant Ben Wheatley (Kill List, A Field in England), viendra ainsi présenter son High-Rise (le 20/03) au public bruxellois. Soit l’adaptation annoncée comme féroce et hyper stylisée du roman dystopique culte de J.G. Ballard. Et le possible graal 2016 des amateurs de cinéma de genre.

La rétrospective

Offscreen, le grand festin

Rendez-vous cinéphile carburant aux ovnis toxiques et subversifs, l’Offscreen n’a définitivement pas son pareil quand il s’agit d’exhumer quelques improbables pépites de genre et autres sombres crapuleries rendues incontournables par le travail du temps. Une série d’entre elles se voient cette année confinées au sein d’une rétrospective à l’aussi fascinante qu’inépuisable thématique: la folie féminine. Sous l’appellation « Driving Miss Crazy », celle-ci puise son inspiration dans le livre, House of Psychotic Women: An Autobiographical Topography of Female Neurosis in Horror and Exploitation Films, de l’auteure canadienne Kier-La Janisse. Laquelle sera présente afin d’introduire une poignée de longs métrages de la sélection. Où l’on pointera notamment le Possession du regretté Andrzej Zulawski (le 03/03), avec une jeune et démoniaque Isabelle Adjani; le punk et nihiliste Out of the Blue de Dennis Hopper (le 05/03); l’infectieux Singapore Sling du Grec Nikos Nikolaidis (le 06/03), et son détective privé asservi par une fille fétichiste et sa mère armée d’un gode ceinture; le « rape & revenge » Ms. 45 d’Abel Ferrara (le 18/03) ou encore deux scintillants giallos d’époque (Shock de Mario Bava et A Lizard in a Woman’s Skin de Lucio Fulci le 04/03). Givrée, borderline, hystérique ou fatale: la femme dans tous ses irrésistibles états limites.

Les séances spéciales

Petit frère déviant du BIFFF à ses débuts, le festival Offscreen s’est très vite émancipé de la coupe de son aîné en quête de nouveau souffle en plongeant mirettes grandes ouvertes dans les arcanes les plus viciés de l’Histoire de la cinéphilie bis. En sus de ses programmations thématiques, l’événement se fend donc de special screenings pas piquées des hannetons. Exemple? Une « 42nd Street Forever Night » (le 11/03) en hommage aux légendaires cinémas d’exploitation de cette artère malfamée de Manhattan durant les années 60 et 70. Au menu: du détraqué transsexuel, de la fesse lynchienne ou des hippies défoncés au LSD qui se chopent la rage et virent zombies après s’être enfilé une tarte empoisonnée… Le tout ponctué par une conférence (le 12/03) à laquelle prendra logiquement part le cinéaste Frank Henenlotter, invité prestige qui introduira par ailleurs personnellement quelques-uns de ses drôles de films mutants (Brain Damage et Frankenhooker le 13/03). En marge de cette sélection résolument « grindhouse », et d’une soirée assez inattendue consacrée au cinéma bis… belge des années 60 et 70 (le 17/03), le festival multiplie les propositions alléchantes et tous azimuts: courts métrages pour enfants, séance vintage, rediffusion du navet The Room, Redrum Party au Soul Inn… Et, madeleine cinéphage s’il en est, la projection du Labyrinth de Jim Henson, sommet de kitsch régressif qui fige Bowie en archétype pop d’un autre temps. Soit une autre façon de pleurer l’animal: au grand banquet de l’underground crasse, entouré d’inoubliables « scary monsters ».

OFFSCREEN FILM FESTIVAL, DU 02 AU 20 MARS À BRUXELLES (CINÉMA NOVA, CINEMATEK, BOZAR, CINÉMA RITCS). WWW.OFFSCREEN.BE

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