Nollywood, le méconnu Hollywood nigérian

Au Nigeria, la passion pour le cinéma prime sur les faibles moyens de production. © Reuters

Si ses homologues indien et américain sont énormément renommés de par le monde, Nollywood, le berceau de la production cinématographique nigériane, bénéficie d’une moins grande médiatisation. Et pourtant, c’est le deuxième producteur mondial de films après Bollywood, et devant Hollywood.

Nollywood, c’est une machine à films. Depuis 2009, l’industrie nigériane produit environ 2000 longs métrages par an et est le premier marché africain dans le domaine. Au niveau mondial, il se classe second, après Bollywood, au niveau du nombre de films produits chaque année, dépassant Hollywood. Le cinéma au Nigéria est porté par des petits réalisateurs, bien conscients d’un certain amateurisme de leurs films (on entend parfois le générateur du voisin dans certains films) mais voulant néanmoins porter haut les couleurs du cinéma de leur pays. Nollywood, c’est du cinéma fait par des nigérians, avec des nigérians et pour un public africain. Et même s’il ne rencontre que très peu de public dans le reste du monde, il touche tout de même les plus de 180 millions d’habitants du Nigéria mais aussi le milliard d’Africains. En 2016, Nollywood c’est tout de même 150 millions de spectateurs pour 6 milliards de dollars de recettes.

Existant depuis une grosse vingtaine d’années, le cinéma nigérian est divisé entre Kano, au nord du pays, et la capitale Lagos, au sud. Mis à part la distance géographique entre les deux villes, il existe également une distance cinématographique. Quand les films sortant de Kano, fort influencés par le cinéma indien, seront plus des mélodrames avec une partie comique, ponctués par des chants, de la danse ou de la musique, ceux de Lagos seront plus commerciaux, tourné vers des sujets plus sensibles comme le sexe et la violence.

« Il nous manque l’essentiel… »

Certains réalisateurs ont tout de même suivi une formation cinématographique. C’est notamment le cas d’Ikechukwu Onyeka, un réalisateur nigérian très célèbre dans son pays étant passé par l’école de cinéma du Colorado, aux États-Unis. Interrogé par Libération en 2015, il était heureux de l’évolution de Nollywood, mais toutefois pas satisfait. « Je suis frustré« , lâche-t-il, « oui Nollywood a changé, oui on a plus argent pour produire nos séries. Mais il nous manque l’essentiel: la passion du cinéma et la culture artistique. »

À Lagos, le nombre de salles de cinéma se compte sur les doigts d’une main car les banques ne veulent pas investir dans ce business trop peu florissant, c’est pourquoi le commerce de ces films se fait essentiellement dans la rue ou dans les petites échoppes, et souvent de manière illégale. Les films partent là-bas pour 400 ou 500 nairas, soit l’équivalent de deux euros. Le marché noir est un problème pointé du doigt par Ike Nnabue, un autre réalisateur nigérian. « Les investisseurs ne pensent qu’en termes d’argent« , regrette-t-il, « ils n’encouragent pas la production culturelle ou artistique. Mais avec l’essor des séries, les choses sont en train de changer. » Pourtant, en faisant travailler près d’un million de personnes, Nollywood est le plus grand employeur du pays.

Aujourd’hui, les récentes productions de séries améliorent la représentation du cinéma nigérian, avec notamment des productions inspirées de géants américains, comme African Desperate Housewives, The Calabash, inspiré de Breaking Bad et bientôt une version nigériane de Game of Thrones, avec dans le rôle des marcheurs blancs… Les colons britanniques! Le Nigéria va même pousser plus loin en créant une sorte de « Netflix nigérian » appelée Iroko TV, créée par le milliardaire Jason Njoku. Au Nigéria, le site concurrence aujourd’hui Netflix en termes d’abonnements et propose la plus large offre de films nollywoodiens. Netflix qui a tout de même un film nigérian dans son catalogue, The Wedding Party, le film ayant engrangé le plus d’argent dans l’histoire du cinéma nigérian, soit environ 1,2 million d’euros.

Un milieu également touché par #metoo

Comme présenté dans l’émission Quotidien de Yann Barthès, les actrices et réalisatrices nigérianes n’ont pas attendu les scandales de l’affaire Weinstein pour libérer leur parole contre le harcèlement sexuel. En mai 2017, Maureen Onyemaobi, une actrice et réalisatrice, témoignait à la télévision sur le sujet, en disant « ce harcèlement, il nous détruit. » Très vite, deux types de réactions ont suivi. D’un côté, les actrices qui se sont exprimées pour mettre en garde les jeunes actrices du danger, leur conseillant de ne pas laisser leur désespoir les guider, et d’un autre côté la réaction de Mealdred Okwo, une réalisatrice très célèbre au Nigéria, faisant polémique en tweetant: « Celles d’entre vous qui ont couché pour avoir un rôle ou être connues ne devraient pas crier au scandale 10 ans après. » Mais contrairement à Hollywood, aucune tête n’est encore tombée au Nigéria.

Guillaume Scheunders

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