Mostra de Venise: le palmarès commenté

Roy Andersson et son Lion d'or pour A Pigeon Sat on a Branch Reflecting on Existence. © REUTERS/Tony Gentile
Jean-François Pluijgers
Jean-François Pluijgers Journaliste cinéma

Il est rare qu’un palmarès de festival de cinéma fasse l’unanimité. Celui de la 71e Mostra de Venise ne souffre pourtant guère de contestation: avec A Pigeon Sat on a Branch Reflecting on Existence, du Suédois Roy Andersson, Lion d’Or amplement mérité, et The Look of Silence, de l’Américain Joshua Oppenheimer, Grand Prix indiscutable, Alexandre Desplat et ses pairs ont salué les deux films ayant laissé la plus forte impression tout au long de cette Mostra.

Apportant la dernière touche à une trilogie sur la condition humaine entamée avec le siècle par Chansons du deuxième étage, Roy Andersson livre, avec Un Pigeon… une oeuvre aussi singulière que magistrale. Le cinéaste y orchestre un curieux petit théâtre de la vie, alignant des saynètes tragi-comiques et autant de plans-séquences pour embrasser une humanité désenchantée dans un mélange d’humour absurde et de poésie funèbre. Souvent fort drôle – il faut avoir vu son duo de vendeurs de farces et attrapes déambulant à la surface de l’existence à la manière de zombies -, le résultat est aussi pénétrant, Andersson questionnant le sens de la vie avec une acuité laconique du plus bel effet. Un film que l’on devrait découvrir sur nos écrans en 2015. Joshua Oppenheimer poursuit, pour sa part, avec le documentaire The Look of Silence, le travail de mémoire entamé il y a quelques années avec le stupéfiant The Act of Killing. Après avoir entendu les bourreaux du génocide perpétré en Indonésie en 1965, il donne cette fois la parole aux victimes, à travers l’histoire d’une famille devant vivre parmi ses tortionnaires d’hier. Le résultat est saisissant, qui dispense une émotion profonde, avec une fort hypothétique réconciliation en toile de fond.

On ne parlera pas non plus de surprise s’agissant du Lion d’Argent du meilleur réalisateur attribué au vétéran russe Andrei Konchalovski. The Postman’s White Nights a pour cadre un village perdu au milieu d’un lac, refuge d’une petite communauté dont le seul lien avec le monde extérieur est le… facteur, multipliant les allers-retours vers la terre ferme. Immuable, l’ordre des choses prévalant dans ce petit monde est pourtant précaire, mouvement capturé par Konchalovski dans une mise en scène immersive. Les prix d’interprétation octroyés à Adam Driver et Alba Rohrwacher pour leur partition dans Hungry Hearts, le premier film américain de Saverio Costanzo (La solitude des nombres premiers), sont peut-être plus inattendus. Il n’y a pas, pour autant, matière à crier au scandale tant ils campent avec justesse ce couple menacé d’implosion par la naissance de leur premier enfant. Meilleur espoir, Romain Paul crève pour sa part l’écran dans le délicat Dernier coup de marteau, d’Alix Delaporte, film sensible écrit à hauteur d’adolescence. Enfin, le prix du scénario accordé Rakhshan Banietemad pour Tales n’est certes pas moins justifié, la réalisatrice agençant avec maestria de petites histoires composant un portrait critique de la société iranienne. Seule véritable surprise au tableau d’honneur: le Prix spécial du jury au fort quelconque Sivas, du réalisateur turc Kaan Müjdeci. Mais soit, le palmarès de cette 71e Mostra apparaît, dans l’ensemble, judicieux, même si, c’est la règle du genre, l’on pourra nourrir quelques regrets pour Birdman, d’Alejandro Gonzalez Inarritu, Red Amnesia, de Wang Xiaoshuai, ou Pasolini, d’Abel Ferrara, oubliés à l’heure de la distribution des prix.

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