Mostra de Venise: le film du jour (7)

Roy Andersson (au centre), aux côtés de ses acteurs Holger Andersson et Nils Westblom. © REUTERS/Tony Gentile
Jean-François Pluijgers
Jean-François Pluijgers Journaliste cinéma

A Pigeon Sat on a Branch Reflecting on Existence, de Roy Andersson.

Cinéaste rare – cinq longs métrages en un peu plus de quarante ans -, le Suédois Roy Andersson régale à intervalles irréguliers les spectateurs de petits bijoux embrassant une humanité désenchantée dans un mélange d’humour noir et de poésie funèbre. Ainsi, aujourd’hui, de A Pigeon Sat on a Branch Reflecting on Existence, film clôturant, 14 ans après Chansons du deuxième étage, et 7 ans après Nous, les vivants, sa trilogie sur la condition humaine.

Comme toujours chez Andersson, une scène suffit à identifier son univers: elle se situe dans un musée d’histoire naturelle, et voit un vieil homme au visage fardé de blanc (motif récurrent de l’oeuvre) figé dans la contemplation des vitrines du département ornithologique, parmi lesquelles celle accueillant un pigeon. Ce prélude passé, le cinéaste aligne, suivant son habitude, les plans-séquences et les saynètes tragi-comiques au gré d’une narration distendue, mettant en scène un duo de vendeurs ambulants de farces et attrapes, des héritiers avides, les clients laconiques d’une taverne sinistre, un capitaine de ferry reconverti apprenti-coiffeur, et l’on en passe, qui (dé)composent un univers singulier, où l’on croise encore, en quelque anachronisme assumé, les armées de Charles XII, de retour de la débâcle de la bataille de Poltava.

Affichant des dehors loufoques et s’appuyant sur une esthétique réminiscente de l’art du muet, A Pigeon… survole ainsi un monde en déliquescence, donnant à voir un condensé d’humanité dépressive, peuplée de zombies n’ayant plus même la force de se suicider. Proposition saisissante que celle-ci, où le rire se mue bientôt en malaise, culminant lors d’une scène où Andersson réussit une mise en perspective brillante de l’Histoire, point d’orgue stupéfiant de cette oeuvre magistrale.

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