Marc Zinga: « Le cinéma belge est à la fois modeste et ambitieux »

Marc Zinga à Cannes en 2015, pour la présentation du film Dheepan de Jacques Audiard. © REUTERS

Nous avons rencontré l’acteur belge lors du dernier FIFF à Namur pour interroger son rapport au cinéma et au théâtre.

Depuis Les Rayures du zèbre en 2014 où il explose en jeune footballeur, Marc Zinga a fait un (petit) bout de chemin. Après avoir gagné un Magritte du meilleur espoir masculin pour son interprétation poignante aux côtés de Benoît Poelvoorde, il enchaîne avec Qu’Allah bénisse la France, sur le parcours du slameur Abd Al Malik, et Jamais de la vie avec Olivier Gourmet. L’année suivante, Dheepan puis Spectre, dans lequel il incarne le bras droit du méchant, donnent à sa carrière des allures internationales. Il termine de confirmer tout son talent avec La Fille inconnue des frères Dardenne et Bienvenue à Marly-Gomont, inspiré de l’enfance du chanteur Kamini, l’année dernière, puis Nos patriotes, début 2017.

À 32 ans, l’ancien chanteur du groupe de hip-hop The Peas Project continue sur sa lancée avec toujours plus de projets au cinéma, mais aussi au théâtre. Rencontre.

Quel est votre regard sur le cinéma belge?

Je suis un fan et je suis très heureux de voir la manière dont il évolue et le fait qu’il soit soutenu à l’échelle médiatique. Il y a quelque chose de très dynamique dans notre cinéma. Il y a des jeunes réalisateurs qui ont une super sensibilité donc c’est très réjouissant. Mais j’ai observé une particularité dans la culture de fabrication des films en Belgique, par rapport à ce que j’ai pu voir ailleurs. Il y a à la fois quelque chose de modeste et d’ambitieux. Quand l’équilibre est bon, il fait bon vivre de travailler ici. On retrouve un certain état d’esprit commun, on sent qu’il y a une rigueur au travail.

Quels films belges vous ont particulièrement marqué?

Quand j’ai découvert Rosetta, ça a été une claque incroyable. Ce qui continue de me fasciner chez les frères Dardenne, c’est cette capacité à faire un film qui n’est que du muscle, il n’y a rien d’autre, avec cette caméra au poing qui colle à la peau de ses personnages et cette qualité de l’intrigue. Il y a un fil qui est tendu, du début à la fin. C’est ce qu’il y avait de mieux depuis Pialat dans ce néo-réalisme francophone. Pialat a amené cette vibration où la caméra donne la sensation d’y être, comme personne ne l’avait fait auparavant. Et par là, il a influencé tout ce qui a suivi et j’ai l’impression que les seuls qui soient parvenus à donner un nouveau souffle à cette dynamique, ce sont les frères Dardenne. Je suis très touché qu’ils aient pensé à moi pour La Fille inconnue.

Que vous faut-il pour dire oui à un scénario?

Il faut que ça m’émeuve, soit le scénario, soit l’idée que je me fais de ce que sera le film. Par exemple, je viens de tourner un film en Ouganda, La Miséricorde de la jungle. C’est une réflexion sur la guerre, c’est humaniste.

Et au théâtre, j’ai eu la chance incroyable de faire la rencontre de Christian Schiaretti, excellent metteur en scène et directeur du Théâtre National Populaire à Villeurbanne en France et il avait cette ambition de monter Aimé Césaire. On a joué Une saison au Congo et l’expérience nous a tellement plu et nous a tellement grandis qu’on a voulu la poursuivre avec La Tragédie du roi Christophe, une autre oeuvre d’Aimé Césaire. On a le projet d’aboutir à un triptyque, une trilogie avec Une tempête, son adaptation de La Tempête de Shakespeare. Ça me tient énormément à coeur parce que Aimé Césaire est un des plus grands poètes français, et Christian Schiaretti a une sensibilité de metteur en scène et d’homme qui m’inspire profondément. C’est aussi l’occasion de porter un message humaniste, dans sa grandeur et sa violence.

Qu’est-ce qui vous plaît dans le fait de monter sur les planches par rapport au cinéma?

Je pense que le théâtre reste le premier lieu d’expression d’un auteur. Ça ne veut pas dire que faire du cinéma et ne pas faire de théâtre c’est se tromper, ce n’est pas ça du tout, mais le théâtre vient en premier. Le cinéma ce n’est jamais que du théâtre augmenté, des gens qui racontent une histoire avec de la technologie autour, qui permet que l’imaginaire explose. La qualité de suggestion dans le théâtre est plus forte que dans le cinéma puisqu’on donne une convention: on est sur un plateau et on admet tous ensemble qu’on est ailleurs, dans un château ou sur une île déserte par exemple. Et cette projection, ce travail qui s’opère chez les spectateurs c’est une plus-value sur l’émotion qu’on peut ressentir parce qu’on s’implique. C’est comme lire un bouquin, on s’imagine. Le théâtre a ça de très puissant. Mais ça reste deux disciplines différentes avec deux plaisirs distincts. Dans le théâtre, il y a la performance, le fait qu’on fait nous-même, en tant qu’acteur, le montage, le son et le cadrage. On dirige l’attention du spectateur là où le cinéma le fait par les artifices. En tant qu’acteur, ça a ceci de gratifiant qu’au théâtre on doit être en possession de tout ce que l’histoire doit porter. Là où au cinéma on peut être tout simplement manipulé, dirigé. On vit des émotions incroyables qu’on peut retrouver au cinéma, mais ça dépend des dispositifs. C’est une sorte de découverte intuitive, instinctive. Ça fait partie de la puissance du spectacle vivant, on ne peut pas tricher. Il y a une solidarité avec le spectateur. Mais ce que j’aime avant tout c’est raconter des histoires, peu importe la forme.

Salammbô Marie et Elisa Brevet

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