Critique

Life of Pi

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Jean-François Pluijgers
Jean-François Pluijgers Journaliste cinéma

AVENTURES | Adaptant le roman éponyme de Yann Martel, le réalisateur taïwanais Ang Lee renoue avec l’esprit des films d’aventure d’antan pour signer un récit initiatique inscrit dans un écrin merveilleux et brassant enjeux humains et philosophiques.

FILM D’AVENTURES DE ANG LEE. AVEC SURAJ SHARMA, IRRFAN KHAN, ADIL HUSSAIN. 2H07. SORTIE: 19/12. ****

A l’origine de Life of Pi, le nouveau film de Ang Lee, on trouve le roman éponyme de l’écrivain canadien Yann Martel. Une oeuvre réputée inadaptable à l’écran, d’ailleurs, et pour cause puisqu’il y est question d’un garçon traversant l’océan Pacifique à bord d’une chaloupe avec un tigre pour seul compagnon de voyage; de quoi, a priori, laisser dubitatifs jusqu’aux plus zélés des thuriféraires du réalisateur taïwanais. Une scène, pourtant, suffit pour que le charme du film entame son oeuvre. Elle a pour cadre l’Inde et le zoo de Pondichéry où, absorbé par une 3D immersive et soyeuse, le spectateur est happé au coeur de l’histoire, comme sous l’effet de quelque filtre enchanteur à l’effet persistant. Soit, donc, l’odyssée fantastique de Piscine Molitor Pavel (sic), surnommé Pi (Suraj Sharma, épatant), enfant des propriétaires dudit jardin zoologique, qui, parti avec sa famille refaire leur vie au Canada, va survivre au naufrage de leur cargo au large des Philippines. Le jeune homme n’est pas pour autant au bout de ses peines, puisqu’il échoue dans un canot de sauvetage en compagnie d’un tigre du Bengale dont le patronyme innocent de Richard Parker ne saurait dissimuler le tempérament peu accommodant -démonstration rapide lorsque le duo mal assorti est contraint d’entamer une cohabitation forcée et sans guère d’autre perspective que tragique, perdu qu’il est dans l’immensité des océans.

Une rêverie délectable

Il fallait assurément un réalisateur de la trempe de Ang Lee pour s’emparer de semblable sujet. L’Odyssée de Pi, le cinéaste en fait, à l’instar de son Taking Woodstock, un récit initiatique inscrit, celui-ci, dans un écrin merveilleux, et ne dévoilant toute sa richesse, narrative et spirituelle, qu’en chemin. Si le film séduit à tout coup, c’est d’abord parce qu’il y a là ce qui ressemble à une déclinaison contemporaine des Mille et une nuits. Postulat qui, traduit en langage cinématographique, a pour effet de raviver l’esprit de films d’aventures exotiques à l’ancienne -celui qui animait, par exemple, les productions d’Alexander Korda des années 40, les Voleur de Bagdad et autre Livre de la jungle, et dont l’on trouvera les échos diffus jusque dans le Narcisse noir de Michael Powell et Emeric Pressburger.

Avec ceux-là, le film de Ang Lee partage notamment une artificialité revendiquée, qui n’est certes pas étrangère à l’impact d’une fable ouvrant bien grands les canaux de l’imagination et trouvant, par endroits, une expression d’une sidérante beauté, là où la 3D vient illuminer un théâtre aquatique majestueux. S’y greffent des enjeux autant humains que philosophiques (ces derniers d’ailleurs fort appuyés, même si le réalisateur de The Ice Storm veille à laisser à chacun une marge de manoeuvre que n’entame que superficiellement l’insistance du propos), venus donner à l’histoire une ampleur peu banale, ce huis clos nautique semblant bientôt embrasser des horizons infinis. La magie de cet envoûtant film familial opère alors à plein, le spectateur s’y abandonnant comme à quelque rêverie délectable dont le mot fin viendra l’arracher à regret…

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